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sciences physiques, ne s’appuie que sur la nature humaine, mais l’embrasse tout entière, et avec elle atteint l’infini[1]. » L’infini, l’absolu, tel est le terme où la méthode de Bacon, bien entendue, doit porter la métaphysique.

Or, c’est ce que contestent à l’illustre philosophe français, comme une prétention mal fondée en droit, mal justifiée par le fait, et la philosophie allemande et la philosophie écossaise. Celle-là approuve le but et désapprouve le moyen[2] ; celle-ci croit le but chimérique et voit dans le procédé par lequel M. Cousin veut y atteindre une fausse application d’une méthode vraie.

Dans l’un des quatre opuscules que M. Peisse vient de traduire, M. Hamilton combat à la fois la prétention de M. Schelling et celle de M. Cousin à donner la science de l’absolu. Nous avons dit que M. Schelling avait cru trouver le premier et absolu principe de toute chose par une vue directe et immédiate de l’intelligence. Cette intuition intellectuelle (expression empruntée à Kant par Fichte), ce serait l’acte où, la pensée, principe de la science, se reconnaissant pour absolument identique à l’existence, le sujet de la connaissance et son objet ne se distingueraient plus, mais se trouveraient unis ensemble et définitivement confondus dans une indivisible unité.

M. Hamilton nie ce mode sublime de connaissance ; mais il avoue avec M. Schelling, et il soutient contre M. Cousin, que s’il était possible de connaître en lui-même le principe absolu des choses, ce ne serait pas du moins sous les conditions de diversité et de division dont la connaissance ordinaire est inséparable.

M. Cousin admet avec les modernes métaphysiciens allemands que ce qui est relatif et borné ne saurait être le dernier et véritable objet de la philosophie. Il croit que les bornes et les relations de tout genre exigent en dernière analyse un principe absolu et infini, l’absolu, l’infini lui-même. Mais tandis que les métaphysiciens allemands pensent que cet absolu n’est accessible qu’à un mode de connaissance supérieur, sinon à toute conscience, comme on le dit souvent, du moins aux conditions ordinaires de la conscience humaine, il se fait fort de le trouver par l’observation et l’induction au sein de la conscience. Or, il croit la conscience nécessairement soumise à la condition de l’opposition du sujet qui connaît et de l’objet connu, de la diversité de l’objet lui-même, et en général à la loi de la limitation

  1. Fragmens, pag. 84.
  2. Fragmens, Avertissement, pag. IV.