Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/407

Cette page a été validée par deux contributeurs.
403
PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE.

science (sinon pour la croyance, qui vient d’une autre source,) qu’un problème insoluble, et la métaphysique une chimère.

L’idéalisme transcendental existait à peine que dans son sein même prenait naissance une philosophie plus hardie peut-être qu’aucune des anciennes théories, et qui, dépassant les limites qu’il avait cru tracer pour toujours, prétendait ressaisir, au-delà des phénomènes, non-seulement les êtres, les choses en elles-mêmes, mais le principe absolu de toute existence. On avait voulu interdire à la science les réalités : elle prétendait entrer, non par le raisonnement, mais par une vue immédiate, par une intuition directe de l’intelligence, en possession de l’absolu. Ce fut la philosophie de Fichte, ce fut surtout celle de M. Schelling, sous sa première forme, la Philosophie de la Nature.

M. Cousin a raconté comment, en 1817, sa méthode, sa direction, ses vues générales déjà arrêtées, il fit connaissance en Allemagne avec la philosophie de la nature. Il en admira la grandeur. M. Cousin a lui-même l’imagination grande ; il aime les hautes cimes, les vastes horizons ; il voulut embrasser dans son propre système toute l’étendue des spéculations allemandes. Mais, imbu des principes de la philosophie de l’observation, il espéra avec leur seul secours suffire à l’entreprise. La doctrine de M. Schelling lui sembla une sublime hypothèse qu’il fallait démontrer ; elle lui apparut enfin comme la vérité même, mais à qui, pour devenir la science, il manquait la méthode ; et c’est dans la combinaison de la spéculation avec la méthode d’expérience qu’il voulut faire consister le caractère distinctif et le mérite propre de sa philosophie.

Ainsi, M. Cousin déclare qu’en reculant les bornes où la philosophie écossaise avait cru devoir renfermer l’intelligence humaine, il n’entend aucunement être infidèle aux principes de cette philosophie. Il ne cesse point de croire avec elle que le point de départ est l’observation et l’analyse des faits. Il pense seulement qu’elle impose au raisonnement des limites arbitraires, au raisonnement, c’est-à-dire surtout à l’induction, car, dit-il, « c’est l’induction qui fait rendre aux faits les conséquences qu’ils renferment dans leur sein ; » et il aspire ouvertement à une métaphysique transcendante, à une ontologie. Ainsi ce trait seul le sépare des psychologues de l’école écossaise : il place le but plus haut, et il a dans le moyen une confiance plus grande, on peut dire une confiance absolue et sans bornes. Il nomme la seule méthode philosophique « cette méthode d’observation et d’induction qui a élevé si haut et porté si loin toutes les