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PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE.

qu’on en peut tirer sur ce que l’observation n’atteint pas. Les faits sont de deux sortes : les uns tombent sous nos sens, ce sont les phénomènes extérieurs ; les autres ne sont l’objet que du sens intime, ce sont les phénomènes internes, spirituels, psychologiques. Ceux-là sont du domaine de la science physique ou naturelle, ceux-ci du domaine de la science philosophique. Dans l’une et l’autre science, l’expérience recueille les faits, l’induction en découvre les lois. Aux deux sciences suffit donc une seule et même méthode, la méthode dont Bacon a prescrit l’usage et tracé (disent-ils) les véritables règles.

Ces propositions remplissent tous les ouvrages de Reid et de Dugald Stewart. Nous nous contenterons d’apporter ici le témoignage de leur célèbre interprète, M. Jouffroy : « S’il est, dit-il dans la préface de sa traduction de Reid, un service, et un service éminent, que les Écossais aient rendu à la philosophie, c’est assurément d’avoir établi une fois pour toutes dans les esprits, et de manière à ce qu’elle ne puisse plus en sortir, l’idée qu’il y a une science d’observation, une science de faits, à la manière dont l’entendent les physiciens, qui a l’esprit humain pour objet et le sens intime pour instrument, et dont le résultat doit être la détermination des lois de l’esprit, comme celui des sciences physiques doit être la détermination des lois de la matière[1]. » — « Ce qui reste quand on les a lus, ce qui a saisi l’esprit, ce qui le préoccupe et le possède, c’est l’idée qu’il y a une science de l’esprit humain, science de faits, comme les sciences physiques, qui, comme elles, doit procéder par l’observation et l’induction[2].

M. Royer-Collard a dit pareillement : « L’observation de la nature humaine, comme celle du monde physique, consiste dans la revue des faits. Voilà le premier pas dans l’étude de l’homme ; le second consiste à classer les faits eu égard à leurs similitudes et à leurs différences, etc.[3]. » Et il a pareillement fait honneur à Bacon de la découverte de la méthode.

M. Cousin est parfaitement d’accord en tous ces points avec toute l’école écossaise ; mêmes opinions, même langage sur la division des sciences physiques et philosophiques, sur la diversité et l’analogie de leurs objets, enfin sur l’auteur (prétendu) de la véritable méthode scientifique. « Ici comme ailleurs, comme partout, comme toujours,

  1. Pag. 200.
  2. Pag. 202.
  3. Fragmens, à la suite du tome III de la traduction française de Reid, pag. 404.