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PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE.

testant le rare talent de ses auteurs, ne paraît pas faite pour rassurer sur la vitalité de l’école écossaise. Loin de là, il semble qu’on y trouve des symptômes nouveaux de la crise à laquelle elle est en proie, des preuves significatives que son mal est décidément incurable, et le présage de sa fin prochaine.

M. Hamilton, professeur de logique et de métaphysique à l’université d’Édimbourg, est un disciple fidèle, en général, de la doctrine écossaise, telle qu’on la trouve surtout dans les écrits de Reid, et il en a défendu les principes avec une égale force contre le scepticisme déguisé de Brown, contre le matérialisme des phrénologistes et contre ce qu’il appelle le rationalisme de M. Cousin et de M. Schelling. Pourtant il s’en écarte, comme on le verra, sur un point considérable. Outre cela, il est étranger à bien des égards, et par les qualités mêmes qui lui sont propres, aux habitudes et à l’esprit de ses maîtres. À cette profonde connaissance de l’histoire de la philosophie dont il donne tant de preuves, à la haute estime qu’il professe pour les métaphysiciens de tous les temps, sans en excepter les scholastiques, surtout à sa prédilection pour la logique péripatéticienne, on ne reconnaît plus la manière ni même les opinions favorites de Reid et de Stewart ; on ne reconnaît plus, s’il faut le dire, les antipathies caractéristiques de cette école, impartiale en apparence, au fond très exclusive.

Quant à M. Peisse, s’il paraît s’accorder avec son auteur sur le fond de la doctrine, et principalement sur la nécessité de restreindre à d’étroites limites le pouvoir de la philosophie, évidemment il se trouve, dans ces limites, encore plus mal à l’aise. Il y demeure, comme M. Cousin l’a dit de M. Hamilton, par vertu scientifique, et il en souffre et s’en indigne presque. Il se plaint de l’humiliation de la philosophie, aujourd’hui réduite à la condition d’une spécialité assez bornée, « tandis qu’en fait elle est au-dessus et en dehors de toutes les sciences particulières, soit spéculatives, soit pratiques, puisque sa fonction propre et supérieure est de déterminer les principes, les conditions et la possibilité de toutes les applications de l’esprit humain ; » il ne voit que de l’indécision dans la prudence tant louée des Écossais. Il laisse voir beaucoup de dédain pour leurs procédés minutieux de description, d’énumération et de classification, et peu de confiance dans les résultats qu’ils s’en promettent. Il regrette visiblement ces régions, dont il croit l’accès impossible à la raison humaine, « mais dont une irrésistible loi lui prescrit la recherche, tout en lui interdisant la découverte. » On ne peut parler plus dignement qu’il