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déposèrent leurs armes et se dispersèrent. D’un autre côté, les montagnards qui se sentaient du goût pour le métier, virent que les profits n’en compensaient plus les risques et restèrent chez eux. C’est de cette époque que date la dispersion définitive des bandes. D’audacieuses attaques à main armée ont encore lieu de temps à autre, mais ces attaques sont le fait d’individus réunis accidentellement, de paysans qui ne peuvent résister à la tentation de mettre à profit une occasion favorable. Ces brigands amateurs se gardent bien d’endosser les beaux uniformes d’autrefois ; ils sont mal armés, et quand trois ou quatre d’entre eux se sont réunis pour un coup de main, aussitôt le butin partagé, ils se séparent et rentrent chez eux.

Quelques-uns des chefs de bandes qui se signalèrent dans ces derniers temps du brigandage se piquaient de courtoisie ; galans chevaliers des grands chemins, ils respectaient l’honneur des femmes, se contentant seulement de tirer profit de ce respect, en exigeant de plus fortes rançons. D’autres, et Barbone dans le nombre, sauvages don Juans de la forêt, se vantaient, avec une véritable fatuité de bandits, de n’en avoir épargné aucunes. Le récit suivant n’est pas l’un des chapitres les moins curieux de l’histoire de ce brigand sanguinaire et sensuel, l’Ajax de tant de Cassandres. Nous laisserons parler le docteur Warington, l’un des héros de cette aventure.

Le 18 septembre 1822, M. B… de Glasgow, Mme B… sa femme, leur fille et moi, nous quittâmes Naples pour retourner à Rome et de là à Florence. Nous voyagions en poste, de conserve avec lord G…, qui, ce jour-là, quittait Naples comme nous. Lord G… et sa nombreuse famille occupait deux voitures, et ses gens une troisième. De cette façon, notre petit convoi se composait de quatre voitures. J’avais fait la connaissance de M. et de Mme B… à Glasgow ; je les avais retrouvés à Naples. Je ne devais quitter cette ville que dans les premiers jours d’octobre ; mais ces dames, qui craignaient de se trouver seules sur la route avec M. B…, dont la santé était fort délicate, et qui de plus avaient un peu peur, m’avaient prié de les accompagner. Elles pensaient d’ailleurs que mes soins pourraient être nécessaires à M. B…, atteint d’une phthisie au premier degré. Je cédai d’autant plus volontiers à leurs instances, que Mme B… est une de ces femmes rares chez lesquelles la beauté de l’ame ne le cède pas à celle du corps, et que sa fille promet de lui ressembler un jour.

Tandis que nous étions encore à Naples, faisant nos préparatifs de voyage, hésitant entre les chemins de terre ou de mer, on nous avait assuré à diverses reprises que la bande de Barbone, qui, au commen-