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LE
DERNIER ABBÉ.

I.

Les abbés du siècle dernier étaient de ces types curieux et divertissans que 1789 a détruits sans retour, et dont l’équivalent n’existe pas de nos jours. Ces heureux petits mortels ne faisaient rien du matin au soir, logeaient dans les mansardes, couraient la ville, portant les nouvelles, chantant les airs nouveaux et attrapant par ci par là une place dans un carrosse ou dans une loge d’Opéra. Ils ne dînaient pas tous les jours, mais le souper ne leur manquait jamais, à cause des chansons et des bons mots dont ils avaient tout un répertoire, et c’est un grand point que de ne pas se coucher l’estomac vide. Ils n’avaient pas de maîtresses, mais à force d’assiduité auprès des dames, ils obtenaient par occasion leur tour de faveur ; ils profitaient d’une querelle entre amans, d’une absence ou d’une rupture, et se trouvaient toujours là pour remplir l’intervalle entre l’intrigue qui finissait et celle qui allait commencer.

En 1770, il y eut donc un beau jour, sur le pavé de Paris, un jeune abbé sortant on ne sait d’où, qui n’avait ni père ni mère, et de