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LITTÉRATURE ANGLAISE.

rose et le zéphyr, l’amour et la volupté, le baiser et le papillon constituent depuis Marino le fonds poétique ; ce verbiage ne compte pas. Mais, au Nord ; la facilité d’exprimer la rêverie vague dans une mesure heureuse et par des images convenues, a produit le même fléau. Si l’on recueillait les impressions mélancoliques qui ont pris la forme de vers anglais ou allemands, on n’en serait pas quitte à moins de vingt mille volumes. C’est la fadeur et l’inutilité des larmes sans douleur. Les femmes anglaises se livrent volontiers à ce travail peu fatigant, qui consiste à jeter dans un moule connu des rimes faciles et des soupirs qui ne coûtent rien. Les admirateurs ne leur manquent pas. Mme Norton, victime éclatante de la société anglaise, et qui, à l’instar de lord Byron, joint beaucoup de fierté et d’énergie morale à la plus heureuse organisation poétique, s’est détachée avec bonheur de ce bataillon de muses nuageuses. C’est la seule femme de l’Angleterre actuelle qui réunisse les qualités de l’imagination poétique, de l’émotion passionnée et d’une grande habileté dans la forme.

Si vous vous adressez aux revues anglaises, et que vous les croyiez sur parole, elles citeront miss Sarah Coleridge, mistriss Caroline Southey, miss Elizabeth Barrett, lady Emmeline Stuart Wortley, mistriss Brook, miss Emmie Fisher, comme rivales de Mme Norton. N’allez pas ajouter foi à leurs assertions. Miss Emmie a dix ans, âge un peu tendre pour une Sapho nouvelle. D’autres reviewers vous nommeront miss Elizabeth Charlsworth, miss Louisa Costello, miss Lowe, miss Mitford et mistriss Howitt. L’année prochaine cette liste grossira ; si les choses continuent sur ce pied, il deviendra aussi impossible d’énumérer les poétesses de la Grande-Bretagne que de compter les étoiles de la voie lactée.

Ne parlons donc ni de miss Barrett, traductrice d’Eschyle, ni de mistriss Southey, fille du poète Bowles, qui se distingue par l’élégance et la simplicité. Zophiel, par Marie Brooke, ou Maria dell’ Occidente, habitante de Cuba, mérite d’arrêter l’attention. C’est un poème composé à la Jamaïque, imprimé à Londres, écrit d’un style obscur et ardent, rempli de descriptions passionnées, et fondé sur l’ancienne tradition qui représente un ange déchu épris d’une mortelle, l’environnant de séductions, et repoussé par la magie de la pureté féminine. Le même sujet a été traité avec moins d’éclat et un mélange de satire piquante, par la marquise de Northampton, née aux îles Hébrides, et aujourd’hui décédée. Ce dernier poème, intitulé Irène, tiré à un petit nombre d’exemplaires, n’a pas été livré à la circulation, mais donné à quelques curieux et à quelques amis. Il ne