Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/314

Cette page a été validée par deux contributeurs.
310
REVUE DES DEUX MONDES.

intellectuel est la résultante d’une pluralité de facultés qui ont divers centres dans le cerveau, c’est la solution matérialiste ; ou bien l’unité spirituelle agit et rayonne d’un seul foyer par une pluralité d’organes cérébraux, les organes du cerveau sont les fonctions diverses et comme l’épanouissement d’une unité centrale : c’est la solution spiritualiste, et je dois ajouter que c’est par malheur la moins accréditée dans l’école phrénologique. La première solution se rattache, par l’engendrement des idées, au matérialisme, et voici comment. Le matérialisme pose comme initiale la négation de Dieu ou d’une cause première. Dès-lors, la matière se compose d’une succession fatale de phénomènes dont les diverses évolutions constituent les différens degrés de la vie. La vie n’est qu’une combinaison de phénomènes et de propriétés matérielles qui, au lieu de rester à l’état d’éparpillement et de dissémination, se condensent et forment un ensemble. L’homme lui-même, au plus haut degré de la vie, n’est que le résultat et comme le résumé de tous les degrés inférieurs, la plus haute et la dernière évolution connue de la matière. Ce n’est pas ici le lieu de réfuter le matérialisme par la science et de prouver que Dieu est même nécessaire comme hypothèse scientifique pour expliquer les créations successives que constatent la géologie et l’anatomie comparée. Dès qu’on s’adresse à des hommes qui croient à la morale et au libre arbitre, il suffit de remarquer une chose bien simple, c’est que si l’homme n’est qu’une agrégation de diverses propriétés matérielles, comme ces propriétés sont fatales et que de leur réunion ne peut pas résulter la liberté, la première solution phrénologique, qui fait résulter l’homme des aptitudes cérébrales, conclut logiquement au fatalisme, ou, si on l’aime mieux, à la négation de la morale.

Ces réflexions nous sont suggérées par un livre sur la physiologie du cerveau, que M. le docteur Voisin publie sous ce titre un peu bizarre : L’Homme animal. M. Voisin admet Dieu, il admet une cause créatrice, et nous aimons à penser que dès-lors il se rattache à la solution spiritualiste indiquée tout à l’heure. Si on admet en effet une cause créatrice, il ne peut y avoir aucune répugnance logique à regarder l’homme comme une création directe, à croire qu’il ne résulte pas d’une condensation de qualités matérielles, mais qu’il émane d’un acte créateur qui l’a fait un et qui lui a donné le pouvoir de modifier l’organisme par la volonté.

Ce point de vue, bien que vague et assez indéterminé dans le livre de M. Voisin, est celui que la logique lui impose, et nous supposons qu’il l’accepte. Cela posé, la question de savoir si les protubérances du cerveau accusent et manifestent des passions ou des virtualités actives dans l’homme, n’est plus qu’une question de pure curiosité et dont la solution n’ébranle aucun problème métaphysique. Admettez en effet que le développement intra-crânien est un effet visible d’un pouvoir central et unique, le spiritualisme est sauvé et la liberté humaine aussi. Deux objections fondamentales surgissent encore pourtant contre cette nouvelle face de la phrénologie. D’abord est-il vrai que les circonvolutions du cerveau se traduisent exactement par des circonvolutions correspondantes de l’enveloppe osseuse du crâne ? Voilà ce qui est contesté par