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REVUE. — CHRONIQUE.

et obéit avec répugnance à cet ordre. L’ancien chef de guerillas, tombé à l’état d’officier général, attend une audience pendant quinze jours, regarde ce retard comme un sanglant affront, et ne se rend enfin auprès du roi que pour lui demander la vice-royauté de Navarre. Ferdinand VII, surpris, balbutie, donne des espérances évasives et reçoit plusieurs fois le hardi guerillero. Ce manége de cour n’est interrompu que par le départ subit de Mina, instruit de la désorganisation secrètement encouragée de ses bandes et rugissant de colère. Il marche sur Pampelune pour s’en emparer et est abandonné par ses amis et ses soldats, dès qu’ils sont arrivés aux pieds des murailles de la ville et qu’ils voient que ce n’est point par la porte que leur chef veut les y faire entrer. Des coups de fusil empêchent Mina désespéré de rejoindre ses troupes, et, traître envers l’état, poursuivi par son souverain, repoussé par ses soldats même, il n’a d’autre ressource que d’aller mendier un refuge à la France, à ce pays objet de sa haine implacable !…

Retiré à Bar-sur-Aube, le 20 mars 1815 lui inspira le singulier courage d’écrire à Napoléon, pour lui proposer d’aller combattre Ferdinand VII. Mais bientôt il courut à Gand, revint à Paris avec les étrangers et y vécut tout entier en proie à une ambition rongeuse, à des projets sans suite et à une sorte de fièvre morale dont les paroxysmes ne lui laissaient ni sommeil ni repos.

La révolution de l’île de Léon réveilla les turbulentes espérances de Mina. Échappant à la police de Louis XVIII, il réunit quelques-uns de ses anciens partisans dans la vallée du Bastan ; mais le triomphe des constitutionnels arrêta sa marche, et il fut nommé capitaine-général de la Navarre. Dès-lors il ne s’occupa que de se faire des créatures, excitant les exaltados, provoquant le chant de la Tragala, animant les soldats contre les habitans, et enfin envoyé par le ministère en Galice avec le même titre. Le séjour de Mina en Galice, véritable exil, quoiqu’il s’y fût marié, le rendit presque aussi furieux contre le régime constitutionnel qu’il l’était naguère contre le pouvoir royal : il ne protégea que les républicains et accrut ainsi le nombre des partisans de Ferdinand VII. Le brigadier Lâtre fut envoyé pour remplacer Mina, qui, après avoir engagé ses partisans à s’opposer les armes à la main à son départ, se remit sans se défendre entre les mains de son successeur, en protestant de son dévouement au gouvernement et trahissant ses amis.

Exilé à Léon, Mina fut bientôt envoyé en Catalogne pour combattre les partis nombreux qui s’y organisaient. C’était la première fois qu’il commandait à des troupes régulières, et son incapacité fut telle, que le ridicule seul suffirait à le flétrir, si la cruauté ne le rendait odieux. Il voulait soutenir le prestige de son nom par la terreur. Quand les Français entrèrent en Catalogne, le peu de valeur morale de Mina parut dans toute sa nudité. Il ne comprenait rien aux manœuvres. Le rôle de partisan qu’il se réserva contre le baron d’Éroles ne lui fut même pas heureux. Usé par les souffrances, aigri par les chagrins, ordonnant, comme témoignage de son pouvoir et de sa force, le meurtre de l’évêque de Vich, qu’avait acquitté le tribunal, il ne se renferma dans les murs de Barcelone que pour tracter de sa reddition, et,