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déplaisaient. Il ne fut pas mis à mort, et les gavachos se contentèrent de l’enfermer à Vincennes. Devenu libre en 1814, il ne reparut en Espagne que pour prendre part à la révolte de son oncle contre Ferdinand VII. Après le honteux échec qu’ils subirent tous deux devant les murs de Pampelune, il se réfugie en France, et son impatience de la vie paisible l’ayant poussé jusque dans l’Amérique du nord, il y périt bientôt, battu et pris par le général Linan, le 26 octobre 1817. Lâche jusqu’au bout, il ne se défendit pas, et, en allant au supplice, il implorait bassement ceux qui l’y conduisaient.

Pendant la détention de Xavier Mina à Vincennes, Espoz, de palefrenier de son neveu devenu son héritier, prit le nom de Mina en s’emparant avec violence du commandement de la guerilla. Xavier avait disparu si promptement du théâtre de cette guerre, que l’on remarqua à peine l’usurpation d’Espoz. Celui-ci comprit que, s’adressant à des esprits grossiers et fanatiques, il pouvait tout se permettre, et il déploya une activité dont on l’aurait cru incapable. Espoz y Mina, entouré d’une compagnie, retrouvait les sujets dociles du Vieux de la Montagne dans ces muets prêts à suivre son geste et sa voix. Il commença, après en avoir tué un de sa main, par faire assassiner les chefs qui lui avaient disputé la succession de son neveu. De la sorte, il se vit bientôt à la tête d’un corps nombreux et soumis, et la régence du royaume, qui avait donné au neveu le titre de Corsaire terrestre de la Navarre, nomma l’oncle colonel. Lumbier, Sanguessa, Estella, étaient les villes que Mina fréquentait le plus, parce que, indépendamment des ressources qu’il s’y procurait sans peine, ces localités inexpugnables lui offraient une retraite facile dans le cas d’une attaque imprévue.

Le chef des insurgés de la Navarre obtenait de nombreux succès ; des armes, des munitions, des vivres, des soldats, étaient tombés en son pouvoir. Il assouvissait sur ses malheureux prisonniers tout ce que la barbarie lui conseillait de tortures. Il voulut même donner un caractère officiel à ses cruautés, en ordonnant, par un décret, que tous les Français, y compris l’empereur Napoléon, pris avec ou sans armes, seraient pendus, ainsi que tout Espagnol qui leur aurait prêté un secours quelconque. Ce décret était la mise en œuvre du catéchisme dans lequel le clergé apprenait aux enfans, par ordre exprès de la régence, que ce n’est pas un péché d’assassiner un Français, que c’est une œuvre méritoire. Aussi Mina ordonnait l’assassinat à coups de poignard d’officiers prisonniers et blessés, et continuait tranquillement son déjeuner, à côté de la pièce où ses arrêts s’exécutaient avec bruit. L’affaire d’Arlaban, où il enleva un convoi, est le plus important de ses exploits, celui où sa férocité se signala par les plus horribles excès, celui qui lui valut le grade de maréchal-de-camp des armées de sa majesté Ferdinand VII. Pour remercier la Junta del Gobierno, le nouveau général fit jeter dans des puits une douzaine d’officiers de l’ancienne armée, qu’elle lui envoyait pour être incorporés dans ses bataillons.

Après le retour de Ferdinand VII à Madrid, Mina fut mandé par ce prince