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REVUE. — CHRONIQUE.

Fernaie en conserve encore assez pour convaincre le plus incrédule des époux ; en revanche, si Mme de Fernaie peut perdre sa sœur, l’ami peut perdre Mme de Fernaie. Le mari apprend tout en même temps, et l’atroce vengeance de sa belle-sœur, et le piége dans lequel elle est tombée ; il pardonne à sa femme et à l’amant de sa femme, sûr du secret forcé que gardera Mme de Fernaie. Mais, pendant toutes les hésitations que lui a coûtées sa résolution généreuse, la chambrière, toujours soumise à sa première maîtresse, a rendu le scandale irréparable en faisant croire aux deux amans que la fuite seule pouvait les soustraire à la vengeance d’un époux irrité. À peine Chamby vient-il d’apprendre cette nouvelle, qu’il est arrêté et emmené à la Bastille, où une affaire, tellement envenimée par la haine d’un intendant qu’elle est devenue une accusation d’escroquerie, le retient jusqu’à la révolution française. La révolution française est commode pour trancher les dénouemens. Cet intendant, qui joue, conjointement avec la chambrière, le rôle un peu usé de fatal génie, s’attache avec Geneviève à la vicomtesse de Chamby et au chevalier de Blanzay pour consommer leur ruine. Un beau jour, le vicomte qui ignore toutes les trames dont il a été environné, et n’accuse que sa femme de son emprisonnement et de son déshonneur, quitte l’émigration pour pénétrer en France, au péril de sa vie, jusqu’à la retraite où se cachent les deux coupables. Il tue Blanzay sous les yeux de sa femme, reçoit une blessure mortelle, puis, dénoncé par l’intendant et la chambrière, est traîné tout sanglant sur l’échafaud.

Cette histoire compliquée et terrible forme un petit roman tout rempli de prétentions à une élégance cavalière dans le style, et à une immoralité de bon goût dans la pensée. M. Frédéric Soulié, qui a d’autres qualités moins contestables, s’est mis en frais de belles manières ; il a visé tout simplement à la langue du XVIIIe siècle. Cette affectation de retour aux formes aimables et polies d’un langage fin et distingué, toute nouvelle chez M. Soulié, est, du reste, chose fort commune. Dans ce temps où une révolution littéraire, suivie de nombreuses réactions, a jeté dans le style tant de contradictions et d’incertitudes, le nombre des conversions, comme on dit, semble aller en augmentant : il en est d’illustres, il en est de bizarres, il en est d’inattendues. Pourquoi M. Frédéric Soulié ne prétendrait-il pas aussi à la manière de Crébillon fils, quand des romanciers qui se font critiques annoncent qu’ils écriront tout simplement « dans le genre de Grimm. » Grimm aurait bien ri, et cela nous aurait valu une jolie page dans sa correspondance.


Onyx, par M. Ch. Coran[1]. — Voici un petit recueil de poésies qui s’annonce avec le désir d’exhaler un parfum léger et discret, et qui, par son contenu autant que par son titre, rappelle le Nardi parvus Onyx. Il commence par une courte et élégante préface, où un tour coquet et presque nouveau est donné à une bien vieille excuse accueillie toujours avec sourire. Des

  1. Un vol. in-18, chez Masgana, galerie de l’Odéon, 12.