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REVUE. — CHRONIQUE.

vier valaient cent louis il y a deux ans ; trente mille francs peut-être ne suffiraient pas pour payer aujourd’hui les roulades de Jenny Olivia. Au fond, tout cela est une triste comédie et prouve à quel point de décadence l’art est tombé. Il n’y a désormais de gloire et de fête que pour les chanteurs ; l’exécution est tout, le morceau rien. On demande quelle est la voix avant de s’informer du maître. Il nous faut des danseuses, des cantatrices et des pianistes ; nous n’avons d’enthousiasme et d’or que pour les tours de force ; nous en voulons pour nos yeux et pour nos oreilles. Pourvu que nos sens se réjouissent, le reste nous importe peu ; nous laisserions Pétrarque dans la rue pour mener la Elssler au Capitole, nous laisserions Beethoven et Weber mourir de faim pour donner un sabre d’honneur à M. Lizt.


REVUE LITTÉRAIRE.

La littérature, qui s’est fort ressentie des distractions de l’été, va retrouver plus d’ensemble et de consistance en reprenant ses quartiers d’hiver :

Le printemps les disperse et l’hiver les rallie,

disait Delille des amis de société, et cela est vrai des auteurs et de leurs productions. On ne s’occupe pas encore sérieusement des candidatures ouvertes à l’Académie française ; les prétentions et les immortalités prochaines sont encore en vacances. Dans cet intervalle de bon temps et de loisir, la plupart des plumes à la mode se sont reposées ; l’Université, qui ne chôme pas, s’honorait de plus en plus par des travaux sérieux, par des thèses d’un véritable éclat ; mais le monde littéraire proprement dit courait les grandes routes, et le feuilleton lui-même passait son entr’acte en Italie. Il n’y a que les infatigables qui aient pu ne pas débrider leur verve un seul instant, et l’auteur de la Chambrière est de ceux-là.


La Chambrière, de M. Frédéric Soulié[1], est encore un nouveau chapitre ajouté à cette remuante histoire de désordres et de vices dont les Mé-

  1. Un vol. in-8o ; chez Dumont, Palais-Royal.