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considérables. Si la vie d’un petit chirurgien de village avait été rachetée au prix de 1,000 écus, que ne leur paierait-on pas pour sauver celle de personnages plus importans !

Cependant les commissaires du gouvernement, sentant enfin la nécessité d’agir avec ensemble et énergie, avaient fait saisir et incarcérer plusieurs bergers convaincus d’avoir eu des communications avec les bandits, et de leur avoir fourni des vivres. Les autres bergers, contenus par cet exemple, s’étaient rapprochés des villes et des bourgades ; mais l’audace des brigands semblait redoubler, et ces vivres, qu’ils ne pouvaient plus se procurer par des transactions, ils les prenaient de force en pénétrant, à l’improviste et en nombre suffisant, dans les petits hameaux de la montagne et même de la plaine. Guadagnola et San-Vettorino, entre autres, furent victimes de ces déprédations.

Cet état de choses semblait devoir se prolonger, car, soit maladresse des autorités, soit connivence de la part des montagnards, les brigands restaient insaisissables et se signalaient chaque jour par de nouveaux pillages et de nouveaux crimes. Cependant, vers la fin de septembre, le bruit courut que les bandes qui infestaient le pays s’étaient repliées vers Anagni et Ferentino, et que les environs de Tivoli et de Subiaco étaient libres. Les habitants se félicitaient entre eux de ce qu’ils regardaient comme leur délivrance, quand tout à coup l’enlèvement de l’archi-prêtre de Vicovaro et le meurtre de son neveu vinrent les tirer de cette trompeuse sécurité. Ce prêtre cheminait en compagnie de ce neveu et d’un ami, sur la route de Vicovaro à Subiaco, lorsqu’ils furent assaillis à l’improviste par des gens armés. Le jeune homme portait un fusil ; voyant qu’un des brigands terrassait son oncle et le menaçait avec un couteau de chasse, il le frappa d’un coup de crosse ; mais, avant qu’il eût pu redoubler, il tombait la face contre terre, mortellement frappé d’un coup de poignard dans le dos. Les brigands laissèrent là le cadavre, emmenèrent l’archi-prêtre et son ami dans la montagne, et, comme ils avaient contre lui des motifs particuliers de rancune, ils demandèrent une rançon si considérable, que la paroisse ne put la payer. Les brigands firent souffrir d’atroces supplices au malheureux prêtre et à son compagnon. Ils leur coupèrent d’abord les oreilles qu’ils envoyèrent à leurs familles avec une nouvelle sommation ; les familles tardant trop à réunir la somme exigée ou ne pouvant pas la payer, chaque jour les bandits dépêchaient de nouveaux messagers portant chacun un doigt de leurs prisonniers. L’aspect de ces malheureux, dont les blessures