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REVUE. — CHRONIQUE.

là où il n’est pas, poursuivent une chimère, les autres se trompent sur les moyens de l’atteindre. En matière si grave et si difficile, les divergences d’opinions sont chose fort naturelle, l’erreur est excusable ; mais ce qui serait peu digne de la grandeur de la question, ce serait une discussion où toutes les opinions ne se dessineraient pas avec précision, où les avis au fond les plus opposés s’induiraient réciproquement en erreur par une sorte de communauté de langage. Sachons au juste à quoi nous en tenir. Dans ce moment plus que jamais, il faut que chacun ait le courage tout entier de son opinion.

Le ministère sera exposé à des reproches diamétralement opposés. Nous ne disons pas qu’il se trouvera entre le système de la paix à tout prix et celui de la guerre révolutionnaire. Encore une fois, ces deux exagérations, à supposer qu’elles existent dans quelques esprits, ne sont pas de nature à se présenter dans les débats parlementaires. La guerre comme la paix à tout prix est au fond une seule et même chose. Nous ne verrions, du moins, aucune différence quant aux résultats. L’une et l’autre conduiraient au bouleversement du pays. Confinée un moment dans une paix avilissante, la France rebondirait bientôt vers la guerre révolutionnaire. Il ne peut être question au sein des chambres que d’une paix honorable ou d’une guerre politique, résultat l’une ou l’autre d’une juste appréciation des circonstances de l’Europe, de l’honneur et des intérêts de la France. C’est sur ce terrain que se placeront et ceux qui accuseront le ministère d’impatience et d’audace, et ceux qui lui reprocheront sa retenue, en la qualifiant de timidité.

Il ne lui sera pas difficile de repousser ces reproches. Le ministère n’a fait que pourvoir aux nécessités d’une situation qu’il n’a pas faite, mais qu’il a courageusement acceptée. Au fond, rien ne lui appartient que la modération de son langage et l’activité ferme et prudente des mesures que les circonstances lui ont impérieusement commandées. Qu’on lui dise qu’il fallait laisser la France désarmée et hors d’état de faire face aux dangers dont elle pourrait d’un instant à l’autre être menacée ! Quant au reproche opposé, celui d’avoir manqué de hardiesse, de n’avoir pas assez fait, de n’avoir pas fait entendre à l’Europe des paroles assez sévères et menaçantes, nous ne croyons pas que le ministère doive s’en préoccuper. Sa vie politique n’en dépend pas.

Le gouvernement a mis beaucoup de mesure dans ses paroles, une grande modération dans ses actes. Il a bien fait. Qu’il se rappelle seulement que, plus on a été modéré dans ses exigences, plus il importe d’être inébranlable dans ses résolutions, hardi dans l’accomplissement de sa pensée. Le respect du monde pour le gouvernement du pays, la dignité et l’avenir de la France, sont à ce prix.

Le roi de Hollande s’est déchargé de la royauté. Son abdication n’a aucun rapport avec la politique générale. Elle n’est due qu’au caractère de ce prince et aux circonstances où il s’est trouvé placé. Guillaume et la Hollande étaient deux vieux amans, dégoûtés l’un de l’autre. Ils éprouvaient d’autant plus d’éloignement que leur attachement avait été plus vif et leur union plus intime.