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gouvernement n’a osé faire sa déclaration que parce qu’il lui était prouvé que les puissances n’avaient point l’intention de mettre à exécution l’article de la déchéance. Nous sommes hors d’état de décider la question par le calcul des jours et des heures. Il faudrait pour cela des renseignemens que nous n’avons pas. Mais, en vérité, peu nous importe de résoudre pareille question. Lorsque nous connaîtrons la note, ce que nous examinerons avec soin, ce sera sa teneur, ce seront ses principes, et si elle est conçue comme il convient à un gouvernement fort et modéré, à une grande nation qui, sans vouloir abuser de sa puissance, peut et veut maintenir son droit envers et contre tous, nous n’en demanderons pas davantage ; car, ce qui est certain pour nous, après avoir lu le traité du 15 juillet et les annexes, et les sommations et les déclarations d’Alexandrie, après nous être rappelé les animosités invétérées qui s’acharnent à la ruine du pacha, c’est que les déclarations de mansuétude et les explications rassurantes dont on parle n’auraient pas eu lieu, si la France se fût endormie dans une quiétude par trop philosophique, si elle n’avait pas fait comprendre, même à ceux qui faisaient profession de ne pas le croire, qu’il y aurait cependant un terme à sa longanimité et à sa patience.

Par ces actes, la question se trouve posée devant les chambres d’une manière nette et précise, et il devient plus facile d’éviter les malentendus qui peuvent si facilement se glisser dans des discussions de cette nature. Le gouvernement aura fait connaître la limite qu’il a placée ; il ne s’agira donc plus de louer ou de blâmer un système général, mal déterminé, en quelque sorte inconnu ; pour se livrer à la critique, il faudra prouver que la France devait courir aux armes même avant que l’existence politique de l’Égypte fût sérieusement menacée, ou bien il faudra avoir le courage de soutenir que la France doit rester spectatrice impassible de l’anéantissement de Méhémet-Ali. Si, au contraire, le premier parti paraissait impétueux, violent, et le second, pusillanime et indigne de la France, le gouvernement, par une conséquence naturelle, se trouverait avoir saisi ce juste point où la modération doit s’allier au ressentiment et la prudence à la force.

Quel que soit le jugement qui est sur le point de sortir de l’urne des deux chambres, nous sommes d’avance disposés à le recevoir comme le verdict du pays. Seulement, il importe de le répéter, nous demandons que la question soit nettement posée, et que tous les systèmes soient clairement définis. C’est là ce à quoi doivent surtout s’appliquer les amis d’une discussion franche, d’un résultat sincère. Il n’y a pas un homme dans les chambres françaises qui veuille le désordre ; il n’y en a pas un seul, nous en sommes convaincus, qui veuille l’abaissement et le déshonneur de la France. Ainsi, toutes les opinions s’enveloppent nécessairement dans le même langage. Chacun veut l’ordre et une paix honorable, si elle est possible ; chacun préfère la guerre à la honte et à l’abaissement de son pays. Nous nous plaisons à le répéter : en tenant ce langage, nul ne ment. C’est bien là ce que chacun désire, ce que chacun veut. On ne diffère pas sur le but ; mais les uns, croyant l’apercevoir