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Cimarosa, Fioravanti, Zingarelli et Paer, qui lui rendaient sur le déclin de l’âge les premières impressions de sa jeunesse, avec les derniers échos de l’Italie. À mesure que les années s’accumulaient sur sa tête et avec elles les travaux et les devoirs, il se rattachait, par tous les moyens qui étaient en son pouvoir, à cette Italie qu’il ne devait pas revoir et dont il ne pouvait se résoudre à abandonner l’image. Il avait entrepris une restauration complète des basiliques de Vicence, de Padoue et de Brescia, travail immense qui remplit ses dernières années et qu’il achevait quand la mort le surprit : heureux du moins de n’avoir pas laissé incomplète cette œuvre de réparation. En même temps qu’il se faisait ainsi le continuateur des maîtres de la renaissance, il cherchait à se rendre leur contemporain, en ne se délassant qu’avec leurs souvenirs, comme en ne travaillant que sur leurs idées, et en ne bâtissant pour ainsi dire que sur leur terrain. Toujours occupé de ce beau siècle des arts dont il respirait l’esprit, dont il parlait la langue, il avait fini par ne plus lire que les Vies des artistes de Vasari, avec il Corteggiano de Balthazar Castiglione ; et cette cour brillante et polie des ducs d’Urbin et de Ferrare, où la culture des esprits et l’élégance des mœurs s’embellissaient de tout le luxe des arts ; cette maison savante et ingénieuse des Médicis, où Michel-Ange avait été élevé sous les yeux de Politien, M. Percier s’en était rendu le séjour si familier et le commerce si intime, qu’il était là comme dans sa patrie et dans son siècle, et qu’il nous apparaissait à nous, hommes de notre pays et de notre temps, comme un de ces vieux maîtres dont Vasari a écrit l’histoire. Il y avait en lui, dans sa personne, dans son langage, comme dans la tournure de ses ides, comme dans la direction de ses études, quelque chose qui sentait la renaissance, et l’on peut dire que c’est un débris du XVIe siècle, autant qu’un ornement du nôtre, que nous avons perdu en M. Percier.

C’est au sein de ces travaux, par lesquels il semblait véritablement étendre sa vie en recommençant sa jeunesse ; c’est au milieu de ces douces et studieuses réminiscences qui n’avaient pas seulement pour lui le charme d’une illusion, mais l’intérêt d’une réalité, que la mort vint frapper M. Percier, sans l’abattre et sans le surprendre. Avec une constitution qui n’avait jamais été forte, et avec une santé qui était chancelante depuis plusieurs années, il avait pu voir de loin s’approcher la mort, et il l’attendait avec cette patience stoïque du sage, avec cette application laborieuse de l’artiste qui ne l’avaient jamais quitté. Les infirmités de l’âge et les douleurs mêmes de la maladie, à mesure qu’elles devenaient plus graves et plus fréquentes,