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PERCIER.

mettait à écouter ; qualité précieuse et plus rare qu’on ne le croit, car les hommes qui n’écoutent jamais et qui parlent toujours sont ceux qui croient tout savoir et qui ne peuvent rien apprendre. Toute sa physionomie, enfin, empreinte, quand il écoutait, d’un calme sérieux et grave, où il entrait néanmoins de la finesse et de la bonté, s’animait, quand il parlait, d’une manière singulièrement expressive. Sa parole vive et abondante s’embarrassait quelquefois par sa volubilité même ; mais son expression toujours pittoresque, sa mémoire toujours présente, sa pensée toujours prompte, donnaient à son entretien un charme et en même temps une autorité que l’on ne peut rendre. Tel était le maître que jamais ses élèves n’abordaient sans éprouver une émotion qui les arrêtait souvent sur le seuil de sa porte, sans se sentir troublés en sa présence, et sans reprendre à sa première parole leur confiance en eux-mêmes par celle qu’ils avaient en lui. Jamais il ne donnait une leçon, sans commencer par y introduire un correctif, et ses avis, toujours motivés, se terminaient le plus souvent par une comparaison qui en adoucissait encore l’expression, sans en affaiblir la portée. Modeste de cette modestie vraie qui sied si bien aux hommes supérieurs, il ne parlait de ses propres travaux que lorsqu’il y était forcé, et seulement encore dans l’intimité, de même qu’il ne citait pour exemple que ce qu’il estimait dans les travaux d’autrui sans déprécier ce qu’il n’y approuvait pas. Ce qu’il y avait, enfin, de particulier à sa méthode et de propre à son caractère, c’était, en montrant partout ce qui se trouvait de bien, de chercher ainsi à le produire, en laissant les fautes dans l’ombre ; bien différent de la plupart des maîtres, qui s’attachent aux défauts avec une sorte de satisfaction, comme s’ils y trouvaient une excuse pour eux-mêmes, encore plus qu’un enseignement pour les autres.

M. Percier s’était fait de ses élèves une famille si nombreuse et si dévouée, qu’il ne songea jamais à se procurer les douceurs d’une autre famille. Il eut encore, pour vivre ainsi libre de tout engagement, un autre motif, ou si l’on veut, une autre excuse ; c’était la pensée qu’il ne cessa jamais de nourrir d’un voyage en Italie. Le désir de revoir le théâtre de ses anciennes études fut le rêve de toute sa vie, le projet qu’il se croyait toujours à la veille de réaliser, l’espoir qu’il poursuivait à travers toutes ses affaires comme au milieu de tous ses plaisirs. Mais la seule manière dont il lui fut donné de satisfaire ou de tromper cette espérance, ce fut par son assiduité au Théâtre-Italien, où il se croyait encore en Italie, et dont il ne manqua jamais une représentation, tant que le goût public y maintint