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main, rentraient ensemble dans le cloître après avoir suivi dévotement la procession. Il n’en fallut pas davantage pour que notre architecte, assimilé aux membres d’une confrérie, se mît à suivre toutes les processions, où il portait son cierge comme les autres, mais où il portait de plus son livre de dessins et son crayon ; et c’est de cette manière qu’introduit à la suite des religieux, et oublié dans un coin du couvent, il put mettre à profit le temps qu’on lui laissait pour dessiner tout ce qui s’offrait à ses yeux, tout ce qui tombait sous sa main. Les camarades de M. Percier, surpris de cette habitude qu’on ne lui avait pas vue d’abord, le plaisantaient beaucoup sur cette ferveur de dévotion dont il s’était tout à coup épris ; les quolibets de l’école et les charges de l’atelier n’étaient pas épargnés à l’artiste, qui se montrait ainsi, dans les rues de Rome, avec le cierge d’un pénitent. Mais M. Percier resta ferme à toutes ces attaques ; il continua de suivre les processions, et même les enterremens, pour peu qu’il eût l’espoir de découvrir et le temps de dessiner quelque fragment antique ; et nous l’avons entendu dire, en nous montrant avec un air de triomphe un beau vase antique qui figure dans un de ses frontispices, et dont l’original existe dans une sacristie de Rome : « J’ai servi une messe pour avoir ce vase. »

Les nombreux dessins que M. Percier envoyait chaque année de Rome à l’Académie d’architecture, d’après des études de son choix, avaient donné à ses maîtres une si haute idée de ses talens, qu’arrivé au terme de sa pension, il reçut pour sujet de sa restauration ce qu’il y avait de plus beau et de plus difficile à exécuter en ce genre, la restauration de la colonne Trajane. Déjà le choix d’un pareil sujet était un hommage rendu au zèle et à l’habileté du jeune architecte. On y ajouta une faveur nouvelle, l’avantage de prolonger d’une année son séjour à Rome, pour qu’en fait de moyens d’étude rien ne manquât à la perfection du travail qu’on attendait de lui. L’ouvrage de M. Percier répondit à tout ce qu’on avait fait pour lui et à tout ce qu’on le croyait capable de faire lui-même. La restauration de la colonne Trajane, en huit grands dessins, offrant, avec un mérite d’exécution digne de l’original, l’ensemble et les détails de ce monument, un des plus beaux et des plus complets de la Rome impériale, excita l’admiration de l’Académie, qui consigna sur ses registres l’expression de ce sentiment dans les termes les plus honorables pour M. Percier. C’était à la fin de 1790, presque à la veille du jour où les académies allaient cesser d’exister, que ce travail parvenait à l’Académie. Le rapport qui en contenait l’éloge fut presque le der-