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sur cette tombe, où se trouve inséparablement uni le souvenir de deux artistes chers à la France, la mémoire de Drouais et celle de Percier ; et que, parmi ces jeunes talens qui vont chaque année chercher à Rome les premières leçons de l’expérience et les premières émotions de la gloire, il n’y en ait pas un seul qu’un pieux devoir ne conduise à cette ancienne paroisse de notre Académie de France pour y acquitter, sur cette tombe modeste, au nom de l’art et de la patrie, la dette commune du génie et de l’amitié !

On comprend maintenant avec quelle ardeur, avec quelle application M. Percier, inspiré par un tel guide et appuyé sur un tel ami, se livra à l’étude des monumens romains de tout genre et de tout âge. Si j’ajoute que jusqu’à lui, et peut-être même depuis lui, aucun des artistes appelés à jouir de la pension de Rome n’a profité avec autant de zèle d’un séjour si utile au talent de l’architecte, ce ne sera encore qu’un hommage que je rendrai à la vérité. On se ferait difficilement une idée de la quantité d’études que M. Percier avait rapportées de Rome, dont la mise au net, exécutée avec ce soin précieux et ce goût exquis qu’il mettait à tous ses travaux, a pour ainsi dire rempli le cours entier de sa vie, et dont le recueil, partagé entre quelques-uns de ses plus habiles élèves comme entre des membres de sa famille, forme la plus belle partie de son héritage, le legs le plus digne à la fois de son école et de lui-même. L’étude de Rome et de ses monumens a donc été la pensée unique, l’occupation constante de M. Percier. Mais cette étude, toujours dirigée par une intelligence profonde, n’avait pas pour but de reproduire servilement des édifices ou des formes d’architecture qui ne conviennent plus à nos mœurs ou qui n’entrent pas dans nos habitudes. C’est l’œuvre d’un talent vulgaire, ou plutôt c’est l’erreur d’un faux savoir, en architecture comme en toute autre chose, de copier les monumens au lieu de se borner à les imiter, et de croire qu’on produit des chefs-d’œuvre quand on ne fait que les calquer. Il ne manquera jamais d’hommes capables de refaire ce qui a été fait, de bâtir au XIXe siècle dans le style de la renaissance, comme d’écrire dans la langue de Ronsard ou de peindre dans le goût de Cimabue. Mais ces contrefaçons d’un art qui n’est plus ne servent en réalité qu’à mettre en évidence l’impuissance de ceux qui s’en font un moyen de succès, et c’est toujours en vain qu’on essaie de ressusciter, à l’usage d’une société nouvelle, des formes, des idées, des images créées pour le besoin d’une société défunte. Chaque siècle a son génie, chaque civilisation ses élémens qui lui sont propres, et vouloir faire de la renaissance dans un