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PERCIER.

nous parlait M. Percier, et en recueillant de sa bouche ce souvenir de sa jeunesse, il nous semblait qu’il nous expliquait lui-même le secret de sa destinée.

Il manquait pourtant encore à M. Percier quelque chose pour accomplir toute cette destinée. Il avait eu un habile maître et rencontré un excellent guide ; il lui fallait un ami, un compagnon de ses études, un homme qui partageât tous ses goûts, tous ses travaux, et ce bonheur l’attendait encore à Rome ; M. Fontaine l’y avait précédé d’une année. Ainsi, sortis à peu de distance l’un de l’autre de la même école, se trouvèrent réunis à Rome, dans ce grand sanctuaire de l’étude, deux jeunes artistes qui avaient ensemble tant de rapports de goûts et une instruction pareille avec une ardeur égale. Dès ce moment, l’amitié qui avait commencé entre eux dans l’atelier de M. Peyre, devint une liaison de toute la vie ; dès ce moment, les travaux, les voyages, les disgraces, les succès, l’habitation, le plaisir, la peine, tout devint commun entre eux, et l’on vit naître, au sein des jouissances de l’étude et des illusions de la jeunesse, cette association de deux grands talens, qui, dans le cours d’une longue vie, a résisté à tout, au temps, à l’adversité, à la fortune, à la gloire même, et qui a été pour l’art un si grand honneur, et pour notre siècle un si grand exemple. C’était sous les auspices de Drouais que s’était formée cette union dont il était l’ame et dont il continuait d’être l’oracle. Mais bientôt Drouais leur fut enlevé par la petite-vérole, et le premier travail fait en commun par les deux amis fut l’humble monument consacré à sa mémoire dans l’église de Santa-Maria in Via Lata, monument qui fut exécuté aux frais des pensionnaires de Rome, par Michalon, l’un d’eux, sur les dessins de MM. Percier et Fontaine. En rappelant ce noble et touchant hommage rendu par toute notre jeune école à cet artiste, dont la mort prématurée fut un deuil général, puis-je me défendre du sentiment que nous avons tous éprouvé à l’aspect de cette tombe qui se ferma si tôt sur un talent si plein d’avenir ? Drouais, déjà célèbre par son grand prix, par un tableau qui avait intéressé la France entière à son succès et inquiété David lui-même dans sa gloire, Drouais meurt à la fleur de l’âge, sans avoir pu réaliser presque rien de ce qu’il promettait ; il meurt, enseveli tout entier dans son premier triomphe, ne laissant, au début d’une carrière qui devait être si brillante, qu’une grande espérance déçue et un grand souvenir pour l’amitié. Mais, s’il manque à sa propre destinée, il est du moins pour quelque chose dans celle de M. Percier, et si la France perd en lui un grand peintre, elle lui doit un grand architecte. Honorons donc,