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qu’un soulagement pour sa famille. Mais cette habileté, dont il eût pu se faire un moyen de fortune, il ne la cultivait que comme un moyen d’instruction. C’était encore le temps où les élèves se mettaient au service des maîtres pour avoir toujours quelque chose à apprendre, où l’on ne croyait bien savoir que ce que l’on avait long-temps étudié, où l’on ne pensait au succès, où l’on ne poursuivait la fortune, qu’après avoir acquis la science et prouvé le mérite. Le jeune Percier, quelque avancé qu’il fût déjà dans la carrière, ne marchait encore qu’avec son siècle ; il ne travaillait que pour se rendre habile, tandis qu’en d’autres temps on ne travaille souvent qu’à se dispenser de l’être. Ainsi, tout en recevant des leçons de M. Peyre, il travaillait pour M. Chalgrin, il dessinait pour M. Paris, et il perfectionnait à cette double école ce talent de dessiner qui fut son mérite éminent et son occupation constante.

Avec des qualités naturelles si bien cultivées par l’étude, il n’est pas besoin de dire que M. Percier fit des progrès rapides. Ses succès, attestés par de nombreuses médailles d’émulation, le conduisirent bientôt au second prix, qu’il obtint à peine âgé de dix-neuf ans. Trois ans plus tard, en 1786, il remporta le premier prix sur un projet de palais pour la réunion des académies : chose assez remarquable, que déjà l’idée, réalisée depuis sous le nom d’institut, se fût présentée à l’esprit sous la forme d’un programme d’architecture. Avec le grand prix, M. Percier reçut la pension de Rome, qui n’y était pas toujours attachée comme elle l’est à présent. Le prix et la pension étaient alors deux avantages distincts, dont l’un s’acquérait par le mérite, l’autre quelquefois par la faveur ; l’un était le résultat d’un concours, l’autre dépendait des bonnes graces d’un ministre, et il était arrivé plus d’une fois que deux récompenses, qui étaient unies par leur objet, fussent séparées dans leur application. M. Percier, avec assez de talent pour obtenir le prix, eut assez de bonheur pour rencontrer un ministre qui n’avait pas la prétention de se connaître en architecture mieux que l’académie d’architecture ; ce que je remarque à l’avantage de notre temps, où du moins, sur ce point, les jugemens de l’école sont à l’abri des erreurs d’un ministre, et où grace à la spécialité, cette grande invention de notre siècle, les ministres, en fait d’art comme en fait d’autre chose, ne décident jamais que de ce qu’ils savent.

M. Percier avait vingt-deux ans lorsqu’il arriva à Rome. Qu’on se figure l’effet que produisit cette ville prodigieuse avec ses vieux monumens, ses édifices de tous les styles et ses ruines de tous les âges,