Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/231

Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

sur le sol de l’Allemagne les institutions de tel ou tel pays étranger dont la situation actuelle et l’histoire ancienne et moderne sont également peu analogues à notre situation et à notre histoire, voilà les causes qui, conjointement avec quelques autres, peut-être plus affligeantes encore, ont produit cette immense confusion d’idées dans laquelle la nation allemande, si célèbre jusque-là par sa solidité et son sens profond, est menacée de se perdre[1]. » À la suite de ces considérations, qui montrent clairement sur quel terrain nouveau on voulait se placer, le ministre autrichien invitait la diète à se prononcer le plus tôt possible sur le sens authentique de l’acte fédéral, et à l’interpréter d’une manière applicable à la position actuelle de tous les états de la confédération, appropriée surtout au maintien du principe monarchique, dont l’Allemagne ne pouvait s’écarter impu-

  1. À toutes ces allégations, voici ce que répond un publiciste wurtembergeois fort distingué : « Quoi ! dit-il, quand précédemment on avait promis des institutions en rapport avec l’esprit du temps et répondant au degré de civilisation du siècle ; quand notamment la Prusse avait proposé expressément la participation de toutes les classes de citoyens aux droits constitutionnels, tout cela ne reposait que sur un pur malentendu ou sur une fausse interprétation ! Quoi ! les constitutions d’états territoriaux, de l’article 13, ne désignaient que des assemblées sur le patron des anciens états féodaux où n’étaient représentés que des intérêts particuliers de caste ! C’était donc là la récompense sur la promesse de laquelle les peuples allemands s’étaient levés pour combattre à la voix des souverains, et avaient brisé les chaînes de leurs princes par les efforts les plus inouis que puissent exciter l’amour de la liberté et le désir ardent d’une meilleure condition ! Et ces gouvernemens qui avaient réellement introduit des constitutions représentatives conformes à l’esprit de l’époque, ils avaient donc été dans l’aveuglement le plus complet sur le sens de l’article 13 ! Et la diète elle-même, qui avait vu naître sous ses yeux des constitutions de cette espèce, qui en avait mis quelques-unes sous sa garantie, était tombée dans la même erreur, dans la même ignorance ! Comme si les seuls modèles valables de l’histoire nationale ne devaient se chercher que dans les temps de la décadence ! Mais, en Angleterre et en Suède, c’est grace aux élémens germaniques, conservés dans la constitution, qu’une partie importante du parlement s’est toujours composée de représentans. En Allemagne aussi, le système représentatif était plus ancien que le système d’états territoriaux ; il y disparut uniquement parce que l’esprit de la féodalité prête une telle prépondérance, que les souverains deviennent impuissans et dépendans de leurs vassaux. Aucun droit ne put plus se maintenir devant la force ; la plus grande partie des citoyens perdit ses franchises politiques, pendant que les nobles, qui surent se défendre et faire cause commune, parvinrent d’abord à maintenir leurs droits, puis à les étendre aux dépens de tous les autres. Ce n’était pas la résurrection de ces corporations privilégiées, mais le rétablissement du droit commun, qu’avaient réclamé les peuples de l’Allemagne, et que les princes leur avaient promis. » (Pfizer, Sur le développement du droit public en Allemagne au moyen de la constitution fédérale, Stuttgardt, 1835.)