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fédéral était à la fois un reproche et une menace. Comme on ne pouvait guère penser à supprimer ces constitutions[1], on s’efforça du moins de prévenir à la fois le développement de celles qui existaient, et l’imitation qui pourrait en être faite ailleurs, en introduisant dans le droit public de la confédération une interprétation de l’article 13 conforme aux vues actuelles des grandes puissances. Cette intention fut d’abord annoncée dans le message présidial qui servit de prélude aux décrets de Francfort, et où l’on signala comme l’une des causes du mal auquel il s’agissait de remédier, l’incertitude où l’on était resté sur le sens de l’article 13, ainsi que les malentendus qui en avaient été la suite. « Jamais, avait-on dit, les fondateurs de la confédération germanique n’ont pu présumer qu’il serait donné à l’article 13 des interprétations contraires à l’esprit et à la lettre de ses dispositions, ou qu’il en serait tiré des conséquences annulant non seulement cet article lui-même, mais l’ensemble de l’acte fédéral dans toutes ses parties fondamentales, et rendant ainsi absolument problématique l’existence de la confédération elle-même. Jamais ils n’ont pu imaginer que le principe non équivoque d’une constitution d’états territoriaux serait confondu avec des principes et des formes purement démocratiques, et qu’on baserait sur une semblable méprise des prétentions évidemment incompatibles avec l’essence des gouvernemens monarchiques, lesquels pourtant (sauf l’exception peu considérable des villes libres) devaient être les seuls élémens de la confédération. Il n’était pas plus probable que l’on oserait concevoir ou admettre le projet d’opposer les constitutions particulières aux droits et aux pouvoirs de la confédération générale, de révoquer en doute, comme on l’a effectivement tenté, l’autorité suprême du corps germanique, et de dissoudre ainsi le seul lien qui unisse aujourd’hui les états de l’Allemagne entre eux et avec le système européen. Il est néanmoins de fait que toutes ces déplorables erreurs se sont développées pendant les dernières années, et que, par un enchaînement fatal de circonstances, elles se sont même tellement emparées de l’opinion publique, que le véritable sens de l’article 13 a été presque entièrement perdu de vue. L’exaltation pour des théories chimériques, l’influence d’écrivains ou aveuglés eux-mêmes ou décidés à flatter toutes les illusions populaires, l’ambition malentendue de transplanter

  1. Il paraît pourtant que la proposition en fut faite, en 1820, aux conférences de Vienne ; mais l’opposition formelle de la Bavière empêcha de donner suite à ce projet.