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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

lièrent dans l’espoir d’arriver à l’unité nationale par les formes de la liberté moderne ; d’autres au contraire, voyant dans les idées de ce parti la résurrection de l’influence française, et n’y trouvant aucune de leurs sympathies pour le passé, se rangèrent du côté des gouvernemens, qu’ils espéraient gagner plus facilement à leurs plans de restauration de la vieille société germanique et chrétienne.

Si aux deux élémens généraux d’opposition dont nous venons de parler on ajoute les mécontentemens de la noblesse immédiate que les priviléges qu’on lui avait laissés ne consolaient pas de la perte de son indépendance politique, les griefs de l’église catholique, restée sans évêques[1], sans dotation et livrée à l’arbitraire des princes, les souffrances d’une foule d’intérêts locaux blessés par les nouveaux arrangemens, on s’explique facilement l’immense désordre qui régna dans les idées pendant les années qui suivirent immédiatement l’établissement de la confédération germanique. Comme on avait laissé provisoirement à la presse une certaine liberté, elle devint naturellement l’écho de toutes ces prétentions si diverses et si opposées, et il y eut un incroyable pêle-mêle de déclamations patriotiques, de remontrances libérales, de doléances aristocratiques ou religieuses. Quoique cette confusion même eût dû rassurer, en montrant le peu de probabilité d’une alliance entre les différentes oppositions, les gouvernemens s’en effrayèrent. Ils ne savaient d’ailleurs comment satisfaire à tant de réclamations, dont plusieurs n’étaient que trop légitimes, et ils cédèrent à cet instinct qui porte presque toujours le pouvoir à juger dangereux ce qui est incommode. Au lieu de reconnaître dans ce qui se passait les agitations inséparables d’un changement complet et subit dans l’existence d’une nation, et qui sont comme les grondemens de la mer après la tempête, ils se figurèrent qu’ils avaient affaire à un grand parti révolutionnaire, puissant, comme celui qui existait en France, par l’union des idées et des intérêts, et l’Allemagne fut à leurs yeux le foyer d’une vaste conspiration ayant pour but le renversement de tous les trônes. Cette idée, mise en avant par des esprits craintifs, pénétra de bonne heure dans les conseils des princes[2] ; elle y devint bientôt dominante, à la suite

  1. Tous les siéges étaient vacans, à l’exception de trois ou quatre. Les souverains, depuis la sécularisation, s’étaient emparés du gouvernement de l’église, et rien n’avait été fait pour réorganiser l’épiscopat. L’ancienne constitution ecclésiastique n’existait plus de fait, et on ne semblait pas pressé d’en établir une nouvelle.
  2. De là vinrent les pas rétrogrades du roi de Prusse, qui, après avoir promis à plusieurs reprises de donner une constitution à ses sujets, se persuada qu’il ne pou-