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les états du midi, qui semblaient alors ne pas vouloir admettre que la diète eût à s’occuper de leurs affaires intérieures, et à donner ou à refuser sa sanction aux nouveaux rapports qui s’établissaient entre les souverains et leurs sujets. Mais le moment approchait où son rôle allait changer et où cette assemblée, jusque-là inerte et passive, allait prendre en main la direction suprême des affaires de l’Allemagne, et exercer avec activité et énergie un pouvoir dictatorial conféré par le consentement de tous les membres de la confédération. Il nous reste à expliquer comment cette unanimité fut obtenue, et quel fut l’intérêt commun qui put mettre d’accord toutes ces volontés jusque-là si divergentes.

Pour bien nous rendre compte de l’état des esprits pendant la période qui suivit le congrès de Vienne, il faut revenir un peu sur nos pas et étudier le caractère de la réaction anti-française qui avait amené le soulèvement de 1813. L’abaissement de l’Allemagne sous la main de fer de Napoléon, et les souffrances matérielles et morales qui en avaient été la conséquence, avaient donné lieu à une espèce de conspiration de tous les esprits élevés et de tous les cœurs généreux pour réveiller le patriotisme, instrument avec lequel on put espérer de briser le joug du conquérant ; il avait fallu pour cela relever les Allemands à leurs propres yeux, et la littérature s’en était chargée, préparant ainsi les voies à la politique. Comme les derniers temps du saint-empire, temps de divisions intestines, de faiblesse et de décadence, n’offraient rien qui pût fournir un aliment à l’enthousiasme, on était remonté de plein saut à l’Allemagne du moyen-âge, et souvent même plus haut encore. On avait rappelé en termes magnifiques le rôle important de la race germanique dans l’histoire du monde, sa lutte glorieuse contre les Romains, son établissement victorieux dans toute l’Europe occidentale et méridionale, la régénération du monde antique par l’infusion de ce sang généreux, plus tard la suprématie dans la chrétienté conférée aux Allemands par la possession de la couronne impériale, enfin la civilisation nouvelle recevant l’empreinte germanique dans ses institutions, dans ses lois et dans ses mœurs. On avait représenté l’Allemagne comme la mère de la chevalerie, de la liberté, de la poésie chrétienne, de l’art chrétien, comme la source dont était sorti tout ce qu’il y avait eu de grand et de beau dans les temps qui avaient précédé l’histoire moderne ; on avait peint des couleurs les plus brillantes les époques de sa gloire et de sa puissance ; on avait évoqué les ombres de ses empereurs, de ses chevaliers et de ses saints ; puis on s’était demandé comment elle était