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à la fois à l’Allemagne du nord par la plus grande partie de ses possessions, et à l’Allemagne du midi par ses nouvelles acquisitions sur le Rhin. L’esprit qui animait le gouvernement prussien n’avait rien de commun avec l’esprit routinier et stationnaire des états dont nous venons de parler. Au contraire, depuis la paix de Tilsitt jusqu’à la guerre de l’indépendance, il avait travaillé avec une activité extraordinaire à une refonte presque générale de sa législation, et cela avec l’intention positive de donner au pays une représentation nationale. Au congrès de Vienne, il avait mis en avant les maximes les plus libérales ; enfin, le 22 mai 1815, par conséquent avant la signature de l’acte fédéral, le roi avait rendu un édit où il promettait à ses sujets une constitution représentative, et où il convoquait pour le 1er  septembre suivant des députés de toutes les parties du royaume, lesquels devaient se réunir avec des commissaires royaux, pour travailler à un projet de constitution. Toutefois, après avoir fait ce pas en avant, on reconnut qu’il serait peu profitable et peut-être dangereux d’appeler à des délibérations communes les mandataires de provinces si différentes par leurs mœurs et leurs antécédens, dont plusieurs étaient nouvellement réunies à la monarchie et montraient déjà quelques dispositions hostiles. De là vint que l’assemblée promise ne fut point convoquée ; plus tard, le gouvernement prussien, de plus en plus effrayé de la fermentation des esprits, recula devant ses engagemens, et, après avoir hésité quelque temps, finit par passer décidément du côté de la réaction absolutiste : nous verrons bientôt comment s’opéra cette réaction et quel en fut le caractère.

Les états secondaires de l’Allemagne du midi furent donc les seuls à appliquer l’article 13 dans le sens le plus conforme aux idées dominantes, et même aux principes qui avaient été soutenus par d’autres qu’eux, il est vrai, dans les délibérations du congrès de Vienne. Il y eut à cet égard un revirement assez singulier. Ainsi la Prusse et le Hanovre, qui, au congrès, avaient réclamé pour toute l’Allemagne des libertés politiques assez étendues, n’en accordèrent aucune à leurs sujets, tandis que les états qui avaient défendu avec le plus d’opiniâtreté les droits absolus des souverains, furent ceux qui, dans la pratique, firent les plus larges concessions aux idées libérales. Comme l’a dit spirituellement le biographe du prince de Hardenberg, « on accomplit littéralement cette parole de l’Évangile, que les derniers seront les premiers et les premiers les derniers[1]. » Nous avons déjà

  1. Die Zeitgenossen, tom. XXII.