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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

restés suspects aux patriotes purs, et on avait peine à leur pardonner leur longue complicité avec l’oppresseur de l’Allemagne. On peut croire que le désir de regagner la popularité par une autre voie fut pour beaucoup dans la facilité avec laquelle ils adoptèrent les théories représentatives, qui, du reste, étaient encore des idées françaises. Il arriva donc que le midi se jeta en masse dans les voies constitutionnelles, tandis que le nord s’en tenait à la monarchie pure, plus ou moins légèrement modifiée.

Ce que nous venons de dire des pays du midi ne s’applique pas à l’Autriche ; malgré ses velléités quasi libérales du congrès de Vienne, elle interpréta l’article 13 de l’acte fédéral de la seule manière qui pût se concilier avec sa crainte habituelle de tout changement et de tout mouvement politique. Elle se contenta donc de maintenir ou de rétablir[1] dans ses possessions allemandes les anciens états provinciaux, assemblées muettes et passives, depuis long-temps réduites à l’inertie la plus complète, et constituées de façon à ne gêner en rien l’action toute-puissante du gouvernement. Ce fut là, comme nous l’avons déjà dit, la marche suivie par les états secondaires du nord de l’Allemagne. Les uns, comme la Hesse électorale et le Holstein, ne tinrent aucun compte de l’article 13 et rétablirent le régime du bon plaisir pur et simple ; les autres, comme la Saxe, le Hanovre, le Mecklenbourg, remirent en vigueur leurs anciennes constitutions féodales, où la noblesse presque seule avait des droits politiques, et où ces droits eux-mêmes, n’étant plus que l’ombre des anciennes libertés du moyen-âge, ne pouvaient être considérés comme un contrepoids sérieux à l’influence de la cour et de l’administration. L’on garda ou l’on reprit paisiblement ses vieilles allures ; l’absolutisme régna sans contrôle, tantôt sage et modéré comme en Hanovre, tantôt absurde et tyrannique comme dans la Hesse électorale, mais partout supporté avec assez de patience par des populations dociles et dévouées à leurs souverains, chez lesquelles le besoin de la vie politique ne s’était pas encore éveillé.

La Prusse était dans une position toute particulière, comme tenant

  1. L’empereur d’Autriche, rentré en possession du Tyrol, y rétablit, le 14 mars 1816, les anciens états, supprimés sous la domination bavaroise. Un écrivain allemand appelle ces états « des diètes à postulats qu’on ouvre solennellement à onze heures et qu’on congédie non moins solennellement à midi, après qu’elles ont entendu et approuvé les propositions d’impôts du gouvernement. » Ces propositions sont ce qu’on appelle postulats. Les états dont nous parlons n’ont aucune part à la législation ; ils ont le droit de faire des pétitions et des remontrances, mais qu’ils ne peuvent envoyer à l’empereur qu’avec son consentement.