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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

rales dont la violation devait se faire ressentir plus tard, fut d’abord accepté de bonne grace, à la faveur de l’enivrement de patriotisme et de fraternité qu’avait fait naître la délivrance récente. Un prince allemand et donné par les représentans de l’Allemagne paraissait toujours assez légitime. Tous les Allemands n’étaient-ils pas redevenus frères ? N’avaient-ils pas abjuré pour jamais leurs divisions sur les champs de bataille où ils avaient versé leur sang en commun ? Les provinces rhénanes et la Westphalie auraient été mal reçues à cette époque à se plaindre de leur réunion à la Prusse et à regarder les Prussiens comme des étrangers. En les faisant passer sous le sceptre du plus populaire des libérateurs de la patrie, on croyait avoir beaucoup fait pour elles et beaucoup aussi pour l’unité de l’Allemagne, qui paraissait suffisamment assurée par la communauté de race et de langue entre les souverains et les sujets.

Quant à cette unité qui résulte de lois, d’institutions, de garanties communes, c’était le côté faible de la nouvelle constitution, et celle de l’ancien empire, malgré tous ses défauts, était plus satisfaisante sous ce rapport. L’empereur, la diète, les tribunaux d’empire, les cercles avec leurs assemblées, étaient autant de centres auxquels toutes les parties du corps germanique se rattachaient par quelque côté. Or, toutes ces institutions avaient disparu, excepté une, et l’on n’avait rien mis à la place. Nous avons assez dit quels obstacles avaient paralysé toutes les tentatives faites pour arriver à une véritable organisation fédérative. Il avait fallu se borner à constituer en assemblée souveraine un congrès permanent de plénipotentiaires, et renvoyer à cette assemblée toutes les grandes questions de politique intérieure, en lui laissant le soin d’interpréter selon les circonstances les promesses vagues et les principes mal définis consignés dans l’acte fédéral. La plus importante de ces questions ajournées était celle des libertés politiques à accorder à tous les sujets de la confédération. C’était au nom de la liberté, comme au nom de l’unité, que les souverains avaient appelé aux armes la nation allemande ; elle ne séparait pas ces deux idées, et croyait avoir droit à ce double prix de sa victoire. On reconnaissait qu’il y avait danger et injustice à le lui refuser, et de louables efforts avaient été faits à Vienne pour arriver à l’accomplissement des promesses de 1813. Mais les bonnes intentions des uns avaient été paralysées par le mauvais vouloir des autres, et de l’impossibilité de se mettre d’accord était résulté l’article 13 de l’acte fédéral qui, à vrai dire, laissait la question intacte. Il fallait pourtant en venir tôt ou tard à une solution ; mais comment l’espérer de la