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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

resteraient unies, la direction générale des affaires de l’Allemagne. Ce fut là la base des premiers projets où le conseil fédéral suprême était toujours composé de manière à ce que les deux grandes puissances y eussent la majorité absolue des voix. Ce plan échoua contre l’opposition des états secondaires, qui pensaient avec quelque raison que la seule force des choses donnerait toujours à l’Autriche et à la Prusse une assez grande prépondérance pour qu’il ne fût pas nécessaire de la leur assurer par un article de la constitution : des mois se passèrent sans qu’on pût s’entendre à ce sujet.

Un autre point non moins difficile à régler était la position particulière des sujets de la confédération, tant vis-à-vis des souverains particuliers que vis-à-vis de l’autorité fédérale. Pour exciter la nation à se soulever contre Napoléon, on avait fait retentir le mot de liberté à ses oreilles, et les proclamations des puissances contenaient à cet égard les promesses les plus solennelles : ces promesses, on avait l’intention de les tenir, mais il s’agissait de savoir comment et dans quelle mesure. On tombait assez généralement d’accord que des constitutions d’états territoriaux devaient être rétablies ou introduites dans les divers pays de l’Allemagne ; seulement il restait à décider si ces constitutions seraient prescrites par l’acte fédéral, si on conserverait les vieilles formes ou si on en introduirait de nouvelles, enfin si l’on établirait un minimum de droits politiques que tout souverain serait tenu d’accorder à ses sujets : ces divers points donnaient lieu à de graves dissentimens. L’Autriche, malgré ses traditions et les difficultés particulières de sa situation, paraissait disposée à plus de concessions qu’on n’aurait eu le droit d’en attendre de sa part. Quant à la Prusse, elle se prononçait hautement à cette époque en faveur des idées libérales. Les réformes opérées dans sa législation et son administration, par les ministres Stein et Hardenberg, lui rendaient plus facile peut-être qu’à aucun des autres états allemands l’établissement d’une constitution représentative[1] ; puis l’impulsion qu’elle avait donnée au mouvement de 1813, et la place qu’elle avait conquise dans les sympathies de l’Allemagne, lui faisaient croire qu’elle pourrait tenter avec succès cette expérience. Elle espérait augmenter encore par là son immense popularité et rallier exclusivement à

  1. « À l’époque du congrès de Vienne, dit un écrivain, la Prusse était incomparablement le plus avancé de tous les états allemands et celui qui pouvait le plus facilement établir une représentation de la nation, parce qu’il s’y était préparé depuis long-temps. » (Die Zeitgenossen, Vie de Hardenberg.)