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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

aux règles ordinaires de la justice et du droit étaient considérés comme indispensables pour assurer le repos de l’Europe ; enfin bien d’autres obstacles de toute espèce se mettaient à la traverse des meilleures intentions. Quoi qu’il en soit, ces obstacles ne furent pas surmontés ; aussi les efforts du congrès de Vienne n’ont-ils abouti qu’à une œuvre de circonstance, œuvre incomplète, confuse, incapable de durée, parce qu’on y a tenu plus de compte des exigences du moment que de ces nécessités de tous les temps qui ont leur source dans la nature même des choses ; ce qui a conduit la plupart du temps à combiner violemment des élémens hétérogènes et des principes contradictoires.

Les seuls actes du congrès de Vienne dont nous ayons à nous occuper sont ceux qui eurent l’Allemagne pour objet. Il y avait deux questions principales à résoudre : la répartition de ce qu’on appelait les territoires vacans, et la constitution intérieure du pays, qui, aux termes du traité de Paris, devait former une fédération d’états indépendans. L’une et l’autre présentèrent, dès l’abord, des difficultés qui semblaient insurmontables. La première question, celle de la répartition des territoires, se trouvait intimement liée à la question polonaise. L’empereur Alexandre avait à cette époque, on n’en peut pas douter, des intentions réparatrices et désintéressées. Il voulait rétablir un royaume de Pologne qui eût été donné à son frère le grand-duc Constantin ou à son parent le duc d’Oldenbourg. Ce royaume aurait été formé du grand-duché de Varsovie, créé par Napoléon en faveur du roi de Saxe, et où se trouvait comprise la partie de la Pologne prussienne enlevée à Frédéric-Guillaume III par la paix de Tilsitt. Or, la Russie ayant garanti à la Prusse, par le traité de Kalitz, la restitution de ses provinces polonaises, cette dernière puissance ne voulait y renoncer que moyennant une compensation ; elle demandait en échange la Saxe, que ses troupes occupaient, qui était considérée comme pays conquis à cause de la fidélité de son roi à Napoléon, et qui donnait en Allemagne à la monarchie prussienne un accroissement tout à sa convenance. Les avantages européens de cette combinaison étaient évidens : elle réparait le plus grand crime politique du siècle précédent, élevait la plus sûre de toutes les barrières entre l’Allemagne et la Russie, et arrondissait la Prusse au lieu de l’éparpiller sur une immense étendue ; enfin la France s’y trouvait intéressée par l’espoir de n’avoir pour voisins sur le Rhin que des états de second ordre, ce qui devait prévenir un contact irritant et dangereux. Ce fut pourtant M. de Talleyrand, représentant de la France, qui, poussé par des motifs que l’histoire n’a pas encore bien éclair-