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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

tiques foisonner et corrompre, comme toujours, les premières traces. Il ne pense pas là-dessus autrement que Pasquier et De Thou ; une sanglante épigramme latine de lui en fait foi, et en français même il n’hésite pas à dire :

Hélicon est tari[1], Parnasse est une plaine,
Les lauriers sont séchés……

Quand on en est là, il vaut mieux sortir. Lui donc, le plus pressé des novateurs et en tête de la génération poétique par son appel de l’Illustration, il tomba aussi le premier. Quelques autres peut-être, dans les secondaires, avaient disparu déjà. Un intéressant poète, Jacques Tahureau, était mort dès 1555, ainsi que Jean de La Péruse, auteur d’une Médée. Olivier de Magny, ami de Du Bellay et que nous avons vu son compagnon à Rome, mourait au retour vers le même temps que lui (1560). Mais Du Bellay, parmi les importans, fit le premier vide ; ce fut, des sept chefs de la pléiade, le premier qui quitta la bande et sonna le départ. À l’autre extrémité du groupe, au contraire, Étienne Pasquier, avec Pontus de Tyard et Louis Le Caron, survécut plus de quarante ans encore, et il rassemblait, après 1600, les souvenirs déjà lointains de cette époque, quand déjà Malherbe était venu et régnait, Malherbe qu’il ne nommait même pas.

Les œuvres françaises de Du Bellay ont été réunies au complet par les soins de ses amis dans l’édition de 1569, mainte fois reproduite. Ses reliques mortelles avaient été déposées dans l’église de Notre-Dame, au côté droit du chœur, à la chapelle de Saint-Crépin et Saint-Crépinien. Il y avait eu à Notre-Dame assez d’évêques et de chanoines du nom de Du Bellay pour que ce lui fût comme une sépulture domestique.

Tous les poètes du temps le pleurèrent à l’envi. Ronsard, en maint endroit solennel ou affectueux, évoqua son ombre ; Remi Belleau lui consacra un Chant pastoral. Colletet, dans sa vie (manuscrite) de notre poète, épuise tous ces témoignages funéraires ; mais il va un peu loin lorsque, entraîné par la chaleur de l’énumération, il y met une pièce latine de Bembo, lequel était mort avant que Du Bellay visitât Rome. Le livre des Antiquités eut l’honneur d’être traduit en anglais par Spenser. Au XVIIe siècle, le nom de Du Bellay s’est

  1. Hélicon est tari ! On pourrait voir là une inadvertance, mais elle serait trop invraisemblable chez Du Bellay ; je n’y puis voir qu’une hardiesse : il aura mis l’Hélicon montagne pour le Permesse qui y prend sa source.