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LE BRIGANDAGE DANS LES ÉTATS ROMAINS.

Poli ? Les habitans de Poli, la bourgade la plus voisine, étaient-ils riches ? Quelles étaient leurs habitudes ? À quelles heures sortaient-ils de la bourgade ? — Ils tâchaient, comme on voit, de tirer de leurs prisonniers tous les renseignemens qui pouvaient leur être profitables, leur but étant de se rendre maîtres de la personne de ces riches habitans et d’en obtenir rançon. Les deux jeunes campagnards, ne sachant rien, n’eurent pas de peine à rester discrets ; les brigands, mécontens, les traitèrent de chiens, les firent coucher sur le gazon, et comme, vers le milieu du jour, ils se plaignaient de la faim, ils leur jetèrent des pagnottes (petits pains) et du fromage ; à la chute du jour, ils les renvoyèrent à Poli.

À peine rentrés chez eux, ces jeunes gens racontèrent ce qui venait de leur arriver à la population de la bourgade rassemblée tout entière autour d’eux. Le village était dans l’alarme ; on se livrait à de longs commentaires sur les projets des brigands, lorsque deux bergers qui arrivaient des districts du sud, rapportèrent qu’ils les avaient vus passer dans la direction de Capranica. Cette bande était-elle la même que celle de Guadagnola ? Ils l’ignoraient. Ces bandits s’étaient emparés de leurs provisions de pagnottes, de fromage et de lait, et avaient soupé avec deux de leurs moutons qu’ils avaient tués. Ces renseignemens étaient précis, les bergers rapportaient à leurs maîtres les peaux des moutons tués par les brigands. La terreur des Polésans, qui se voyaient entourés de tous côtés par des bandes armées, s’accrut encore à ce récit. Quelques jeunes gens faisaient partie de la milice civique ; plus courageux que les autres, ils parlaient de s’armer, mais ils ne pouvaient le faire sans l’autorisation du maréchal du district, commandant de la force publique. Il fallut donc que le magistrat de Poli députât un exprès à Palestrine, pour l’avertir du danger que courait la bourgade, et lui demander cette autorisation ; en attendant sa réponse, les habitans devaient rester désarmés. Grace à l’ombrageuse imprévoyance du gouvernement, qui redoutait plus encore les carbonari que les brigands, ces derniers avaient beau jeu.

Les bergers qui venaient de rentrer à Poli étaient chargés, de la part des bandits, d’une double commission auprès de l’un des riches propriétaires du pays. Un de leurs camarades que cet homme avait maltraité quelques mois auparavant, avait gagné la forêt et s’était fait brigand. — Vous préviendrez mon maître que je viens lui rendre la visite que je lui avais promise, et que j’ai le projet de le récompenser de ses bontés, — avait-il dit à ses anciens compagnons. Le chef de la bande, qui, lui, songeait plutôt au profit qu’à la vengeance, avait