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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

L’original est de Naugerius ; il faut le citer pour faire comprendre de quelle manière Du Bellay a pu être inventeur en traduisant :

VOTA AD AURAS.

Auræ quæ levibus percurritis aera pennis,
Et strepitis blando per nemora alta sono,
Serta dat hæc vobis, vobis hæc rusticus Idmon
Spargit odorato plena canistra croco.
Vos lenite œstum, et paleas sejungite inanes,
Dum medio fruges ventilat ille die.

L’invention seule du rhythme a conduit Du Bellay à sortir de la monotonie du distique latin, si parfait qu’il fût, et à faire une villanelle toute chantante et ailes déployées, qui sent la gaieté naturelle des campagnes au lendemain de la moisson, et qui nous arrive dans l’écho.

À simple vue, je ne saurais mieux comparer les deux pièces qu’à un escadron d’abeilles qui, chez Naugerius, est un peu ramassé, mais qui soudainement s’allonge et défile à travers l’air à la voix de Du Bellay. L’impression est tout autre, l’ordre seul de bataille a changé.

Mais voici qui est peut-être mieux. Le même Naugerius avait fait cette autre épigramme :

THYRSIDIS VOTA VENERI.

Quod tulit optata tandem de Leucide Thyrsis
Fructum aliquem, bas violas dat tibi, sancta Venus.
Post sepem hanc sensim obrepens, tria basia sumpsi :
Nil ultra potui : nam prope mater erat.
Nunc violas, sed, plena feram si vota, dicabo
Inscriptam hoc myrtum carmine, Diva, tibi :
« Hanc Veneri myrtum Thyrsis, quod amore potitus
Dedicat, atque una seque suosque greges
. »

Ce que Du Bellay a reproduit et déployé encore de la sorte, dans une des plus gracieuses pièces de notre langue :

À VENUS.

Ayant, après long désir,
Pris de ma douce ennemie
Quelques arrhes du plaisir
Que sa rigueur me dénie,