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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

l’exemple, si rarement suivi, de l’élévation et de l’éloquence dans la critique. Son manifeste fit grand éclat et scandale : un poète de l’ancienne école, Charles Fontaine, y répondit par le Quintil horatian, dans lequel il prit à partie Du Bellay sur ses vers, et souligna des négligences, des répétitions, des métaphores : tout cela terre à terre, mais non sans justesse. La critique qui échauffe et la critique qui souligne étaient dès-lors en présence et en armes autant qu’elles le furent depuis à aucun moment.

Du Bellay, dans une Épître au lecteur placée en tête de l’Olive, revient sur ses desseins en poésie ; en répondant à quelques-unes des objections qu’on lui faisait, il les constate et nous en informe. Il n’espérait pas trouver grace auprès des rhétoriqueurs français ; il ne se dissimulait nullement que « telle nouveauté de poésie, pour le commencement, seroit trouvée fort étrange et rude. » On lui reprochait de réserver la lecture de ses écrits à une affectée demi-douzaine des plus renommés poètes qu’il avait cités dans son Illustration ; mais il n’avait pas prétendu faire, répondait-il, le catalogue de tous les autres. Il disait de fort bonnes choses sur l’imitation des anciens, et qui rappellent notablement les idées du poème de l’Invention par André Chénier. Ce qu’il voulait, c’était enrichir notre vulgaire d’une nouvelle ou plutôt ancienne renouvelée poésie :

Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques.

Et nous-même ajoutons ici sur ces analogies d’André Chénier et de Du Bellay, et sur celles de ce dernier et d’Horace, que c’est en vain qu’on a dit des deux écoles poétiques françaises du XVIe siècle et du nôtre, qu’elles étaient des écoles de la forme, et que les poètes n’y visaient qu’à l’art. Ceux qui font ces grandes critiques philosophiques aux poètes n’y entendent rien et sont des hommes d’un autre métier, d’une vocation supérieure probablement, mais là-dessus incompétente. C’est presque toujours par la forme, en effet, que se détermine le poète. On voit dans une vie d’Horace, publiée pour la première fois par Vanderbourg, que Mécènes pria le poète son ami de transporter dans la langue latine les différentes variétés de mètres inventées chez les Grecs, en partie par Archiloque, en partie par Alcée et Sapho, et que personne n’avait encore fait connaître aux Romains. Ainsi sont nées les odes d’Horace[1]. C’est en voulant reproduire une

  1. Dans l’Exegi monumentum (ode XXX, liv. III), il dit lui-même :

    Princeps Æolium carmen ad Italos
    Deduxisse modos
    .......