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LE BRIGANDAGE DANS LES ÉTATS ROMAINS.

Ils correspondent avec eux, leur donnent asile, s’exaltent en écoutant, de leur propre bouche, le récit de leurs exploits, et, à la première occasion venue, jouent du couteau et gagnent la montagne, où ils sont sûrs de rencontrer des amis. Ces hommes intelligens, au-dessus de la condition de leurs compagnons de rapines, ont souvent fini par devenir lieutenans ou chefs de bandes. À cette sympathie des populations résultant d’un vice d’éducation venaient se joindre la mollesse et l’indécision du gouvernement pontifical, la maladresse et l’imbécillité de ses agens, de sorte que tout semblait d’accord pour perpétuer le mal. On traitait en brebis égarées qu’il fallait ramener au bercail des misérables couverts de sang ; on s’abouchait et on négociait par ambassadeurs avec des bandits qui s’étaient mis en dehors du droit des gens ; on acceptait leurs armistices ; un cardinal, ministre d’état, leur accordait des saufs-conduits, avait des entrevues et débattait avec eux comme avec des généraux d’armée les conditions de la paix. Enfin on faisait plus, on amnistiait des bandits encore insoumis, on donnait à ceux qui déposaient les armes des emplois lucratifs, et on traitait en sujets fidèles des meurtriers avérés qu’au lieu du pardon une justice inexorable eût dû atteindre. — Nous ne sommes pas des forteresses que l’on puisse démolir avec le canon ; mais, comme des oiseaux de proie, nous planons autour des rocs élevés, disaient les brigands aux envoyés du pape. Ceux-ci répétaient ces paroles, et, pour s’excuser des avantages qu’ils leur faisaient, ajoutaient que pour en venir à bout il valait mieux employer la glu que la poudre, qui les effarouchait. Mais qu’arrivait-il à la suite de soumissions de ce genre ? C’est que ces hommes, qui souvent n’avaient traité que parce qu’ils étaient aux abois, rompaient leur ban et reparaissaient plus redoutables que jamais. Rienzi, Sixte-Quint et les Français n’employèrent, pour extirper le brigandage, que des mesures de rigueur, et Rienzi, Sixte-Quint et les Français réussirent temporairement. Enfin, lorsque de 1820 à 1827 les bandes les plus importantes ont été détruites, c’est moins au pardon accordé à ceux qui se soumettaient qu’à deux ou trois exemples de répression terrible qu’il faut attribuer cet heureux résultat.

Nous ne voulons pas faire ici l’histoire du brigandage, nous nous proposons seulement de rapporter quelques faits qui sont comme les pièces justificatives des considérations précédentes et qui feront connaître en même temps l’audace de ces aventuriers, leur manière d’être et d’exister, la mollesse du gouvernement quand il s’est agi de les combattre, et les divers sentimens qu’ils inspirent aux populations