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LE BRIGANDAGE DANS LES ÉTATS ROMAINS.

bien d’autrui. Le gouvernement les mettait hors la loi et la société ; ils déclaraient la guerre à la société et à la loi. On a fait beaucoup d’honneur aux brigands en les représentant comme une sorte d’opposition permanente et avancée. Dans le principe, à la suite des longues guerres des républiques italiennes et lors de l’établissement d’un despotisme régulier, quelques grands chefs ont pu se poser ainsi et préférer à la soumission de l’esclavage l’indépendance et la vie aventureuse du bandit. La faiblesse du pouvoir et la configuration du pays favorisaient merveilleusement leurs projets ; ils trouvaient au centre de l’Apennin des forteresses naturelles. De nos jours, les mêmes localités ont donné asile à de nouvelles bandes ; mais les Mastrilli, les Fra Diavolo, les De’Césaris, les Barbone, les Dieci-Nove et les Gasparone ne peuvent en aucune façon être comparés aux grands chefs d’autrefois ; les élémens de leurs bandes ne sont pas non plus les mêmes. L’héroïsme et les passions généreuses sont en général étrangers à la détermination qui les pousse à s’armer contre la société. Les bandits d’aujourd’hui sont des assassins en fuite, des échappés de bagne, ou des gens très misérables, esclaves de leur paresse et de leurs passions ; c’est, en un mot, l’écume de la population des bourgades du centre de l’Italie, à laquelle se joignent quelques pâtres féroces que la solitude et la vie sauvage ont dépravés. Les actions de ces nobles personnages sont tout-à-fait dignes d’eux. Quelques chefs, il est vrai, se sont montrés résolus ; mais leurs troupes font plutôt preuve de constance et de souplesse que d’intrépidité, bloquant les bourgades sans oser y pénétrer de vive force, spéculant sur la peur, et ne s’attaquant guère qu’à des femmes et à des individus isolés. Trente habits de carabiniers ont toujours suffi, sinon pour détruire, du moins pour mettre en fuite les bandes les plus nombreuses.

Cette indulgence qu’en Italie l’homme du peuple a pour le meurtre semble partagée par le gouvernement, qui pardonne avec la même facilité que l’assassin met à frapper. Si le meurtrier vient à bout de faire sa paix avec la famille de sa victime, et paie quelques écus d’amende à la police, il peut reparaître sans courir le risque d’être arrêté, et ne tarde pas à être gracié. Sous le gouvernement romain, c’est là une conséquence naturelle de la doctrine de l’absolution. Ce que Dieu a pardonné, l’homme doit-il le punir ? Or un assassin ne manque jamais de se confesser : le prêtre lui dit bien qu’il a commis un grand crime ; mais comme le coupable se repent, le prêtre ne peut lui refuser l’absolution. Un meurtrier absous rentre aux yeux du peuple dans la