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L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE.

parera l’école d’Alexandrie aux écoles contemporaines ; mais cette comparaison roule, comme son histoire entière, sur les édifices, sur les catalogues, sur toutes ces menues questions qui n’ont d’intérêt qu’à condition de se rattacher par quelque endroit à l’histoire des idées. Singulière confusion, qui substitue les bâtimens d’une école à l’école elle-même, et qui croit que cette noble et sérieuse curiosité qu’excite une école de philosophie, s’attache aux lieux où elle a brillé, et non aux doctrines qu’elle a propagées ! On peut disserter sur des détails de temps et de lieu dans des notes à la suite d’un livre ; mais faire des notes le livre même, et appeler cela une histoire, c’est se tromper sur la valeur des mots qu’on emploie. Il fallait faire l’histoire du musée comme Parthey et Klippel, ou de la bibliothèque comme Ritschl. Cela intéresse les érudits et ne trompe personne.

M. Matter est assurément un homme exact et consciencieux, qui a cru de bonne foi qu’il faisait l’histoire de l’école d’Alexandrie. Il avait déjà publié, il y a vingt ans, un livre sur le même sujet, qu’il intitulait dans ce temps-là Essai historique. Ce mot d’histoire, disait-il alors dans sa préface, lui avait paru trop ambitieux. De nouvelles recherches sur les bibliothèques et le musée auront sans doute apaisé ses scrupules ; et ce livre, composé avec soin sur un sujet fort ingrat, quand on le comprend comme lui, mérite en effet une part d’éloges. Toutefois, même à ce point de vue, il y a bien çà et là quelques reproches que l’on pourrait faire à l’auteur. Par exemple, pourquoi M. Matter a-t-il accueilli les calomnies odieuses dont la vie privée d’Aristote a été l’objet, et les a-t-il répétées comme des faits acquis à l’histoire ? Ses interprétations semblent aussi quelquefois un peu hasardées : à propos de la prière que les Égyptiens adressent aux dieux pour faire retomber sur les ministres les fautes du souverain, croirait-on que M. Matter appelle cela une idée tout-à-fait constitutionnelle ? Le contre-sens est complet, et ce n’est pas du côté de Dieu que la personne des rois constitutionnels est inviolable et sacrée. Mais à quoi bon ces objections de détail ? Le livre de M. Matter conserve son importance propre. Il fournira des matériaux utiles à une histoire future de l’école d’Alexandrie ; car, il faut bien le répéter, après ces savantes et curieuses dissertations, l’histoire de l’école d’Alexandrie reste à faire, non pas parce qu’elle a été mal faite, mais parce qu’elle n’a pas été faite.

Une histoire réelle de l’école d’Alexandrie serait le complément nécessaire de tous les grands travaux dont la philosophie ancienne a été récemment l’objet. Outre l’importance historique de cette école,