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L’ÉCOLE D’ALEXANDRIE.

l’église chrétienne, au contraire, la plus légère erreur en matière de dogme sépare celui qui la professe du culte commun, et pour choisir un exemple du même temps, Origène le chrétien, qui avait peut être été, à l’école de Plotin, le condisciple de l’autre Origène, et qui fut après Clément d’Alexandrie le chef du didascalée, ne put échapper à la censure, malgré tant de vertus et tant de services. Il y avait, dans cette église naissante, un pouvoir constitué, sans appel, maintenant la foi dans sa pureté et dans son intégrité, séparant le schisme de l’orthodoxie, et ne laissant aux membres de l’église que le droit d’enseigner, de commenter et de croire.

Ce qui assurait par-dessus toutes choses le triomphe du christianisme, c’est qu’il apportait une doctrine simple, raisonnable, à la portée de tous les esprits, du moins dans les points essentiels, composant un système facile à embrasser, et venant aboutir dans la pratique à la morale la plus pure. Les alexandrins, au contraire, défenseurs du polythéisme, avaient beaucoup à cacher, beaucoup à dissimuler : la souplesse de leur esprit suffisait à peine pour leur faire à eux-mêmes illusion sur des contradictions par trop choquantes, et d’ailleurs ils ne pouvaient s’adresser qu’à des intelligences du premier ordre ; le peuple était incapable de comprendre leur philosophie, incapable de s’en tenir à une philosophie quelconque. Il lui fallait une religion. C’est parce qu’eux-mêmes l’avaient compris en hommes qui connaissent les exigences de leur temps, qu’ils avaient mis en avant ce vieux polythéisme auquel ils ne croyaient plus. Mais cette religion qu’il leur fallait subir, elle n’était plus pour tout le monde qu’un scandale ; il fallait une religion, à la vérité, mais une autre. Conserver les formes du culte, les transformer en symboles d’une métaphysique profonde, et concilier ainsi la philosophie avec les traditions, telle est la chimère qu’ils poursuivirent, ne s’apercevant pas que pour le philosophe, à qui la métaphysique suffisait, le symbole était inutile, et que pour le vulgaire, incapable de rien saisir au-delà, le symbole restait une réalité et n’en valait pas mieux après toutes leurs tentatives. En un mot, les deux doctrines opposées ne pouvaient réussir que comme doctrines religieuses, et c’est ce qui fit à la fois la force du christianisme et la faiblesse des alexandrins.

Enfin, il faut tenir compte aussi d’un autre ordre de faits, d’une moindre importance à la vérité, mais qui ne sont pas indignes de l’attention de l’histoire. On se fait souvent illusion sur le véritable caractère d’une école philosophique. Une telle école n’est pas une congrégation religieuse. Sans doute, entre les membres de l’institut