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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 septembre 1840.


L’attention publique, ces jours derniers, a été un moment distraite de la question étrangère par le trouble qu’avaient jeté dans les esprits les coalitions d’ouvriers. On a pu craindre un moment de voir l’émeute ensanglanter de nouveau les rues de la capitale ; on a pu craindre que l’étranger n’eût à se réjouir de nos luttes intestines, et qu’il ne vît dans nos discordes civiles un gage de notre faiblesse dans les grandes questions politiques qui agitent le monde. Heureusement ces sinistres présages se sont promptement évanouis : les ouvriers ont mis fin à ces imprudentes réunions qui commençaient à dégénérer en attroupemens coupables ; ils ont écouté les conseils de la raison et repris leurs travaux. Cet heureux résultat, nous l’attribuons également au bon esprit et aux sentimens patriotiques des classes ouvrières, à la fermeté éclairée et prudente du pouvoir. Certes, s’il eût été indispensable de rétablir l’ordre au moyen de la force, nous n’aurions, tout en gémissant de cette douloureuse nécessité, trouvé que des paroles d’éloge pour le gouvernement repoussant avec vigueur des attaques criminelles contre les institutions et les lois du pays. Mais il aurait été trop fâcheux de se voir poussé à cette extrémité contre des masses qu’égarait une erreur plutôt que l’esprit de révolte, contre des hommes qui, tout en étant de mauvais économistes, n’étaient pas moins de bons et loyaux Français.

Aussi devons-nous remercier l’autorité de n’avoir rien omis pour prévenir une lutte, pour en ôter l’envie même aux plus téméraires. Au premier abord, on a pu s’étonner de cet immense développement de forces qui a fait un moment de la capitale comme un vaste camp tout prêt à écraser l’ennemi qui oserait l’attaquer. Les moyens semblaient hors de proportion avec le but, les précautions infiniment plus grandes que le danger. Mais en y réfléchissant, nous croyons que l’autorité a tenu compte de la nature toute particulière des rassemblemens qui menaçaient la paix publique. Sans doute le pouvoir doit toujours chercher à prévenir, dans la mesure de ses moyens légaux, les malheurs et les crimes ; mais ce devoir est encore plus impérieux, aux yeux de la