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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

Il est sans doute fâcheux, très fâcheux, que les modérés soient ainsi, mais il paraît que c’est là leur nature. Il faut en prendre son parti. On aurait cru que l’expérience répétée de l’impuissance de leurs adversaires aurait dû leur donner un peu d’énergie. Ils n’en ont pas plus montré cette fois que dans les crises précédentes. Au premier bruit qui se fait dans la rue, ils se cachent et attendent. Ils ont peut-être raison d’en agir ainsi, car ils finissent toujours par reparaître ; toutefois on aimerait à leur voir plus d’initiative et de fermeté. La reine Christine est la seule qui reste sur la brèche jusqu’au bout, et qui ne cède qu’au dernier moment ; ce courage isolé n’en est que plus admirable.

Quoi qu’il en soit, que les modérés aient bien ou mal fait d’avoir recours à leur système habituel de prudence et de temporisation, on peut induire du passé ce qui aura lieu dans l’avenir, et présumer que le soulèvement actuel des exaltés finira comme les autres. Nous serions bien trompés s’il en était autrement. Déjà quelques symptômes d’atténuation commencent à se manifester ; les plus animés parlent de transaction. Attendons la fin. La monarchie constitutionnelle est plus forte en réalité qu’elle n’a paru l’être dans tout ce tumulte ; nous verrions la reine captive des révoltés ou obligée de quitter momentanément le territoire de la Péninsule, que nous croirions encore à son triomphe définitif.

Ce qui se passe en ce moment ne prouve que ce qu’on savait déjà, c’est-à-dire que l’établissement d’un gouvernement régulier en Espagne a contre lui, par des motifs différens, la confédération des municipalités, les sociétés secrètes et Espartero. Nous ne sommes pas de ceux qui ont pu espérer que le duc de la Victoire rentrerait dans le devoir. L’orgueilleux triomphateur peut hésiter quelquefois quand sa vieille loyauté se réveille et lui montre tout le mal qu’il fait à son pays ; mais l’habitude de la dictature reprend bientôt son ascendant et le pousse encore plus loin dans la voie où il est entré. Il n’est pas étonnant qu’il y ait fait un pas de plus ; l’autorité illimitée qu’il exerce et qu’il veut garder est incompatible désormais avec toute organisation politique.

Quant aux municipalités, elles sont très peu d’accord au fond avec Espartero ; mais il est tout naturel qu’elles conspirent avec lui contre l’autorité centrale, qui est l’ennemi commun. Le pouvoir des municipalités, tel qu’il est établi par la constitution de 1812, est immense ; ce sont elles qui perçoivent les impôts, elles qui disposent sans contrôle de la garde nationale, elles qui dressent et remanient