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instincts d’abnégation, elle a refusé l’adjonction volontaire des provinces belges aux siennes, quand, au milieu des ressources de cet agrandissement, elle eût trouvé Anvers, ce port que Napoléon nommait « une bouche de pistolet sur la gorge de l’Angleterre, » et où flotterait à cette heure notre pavillon !

Passons maintenant avec M. d’Hauterive, à la Prusse.

« La paix de Westphalie, dit-il, avait eu pour objet d’accorder deux intérêts qui, bien qu’ils soient connus sous les dénominations d’intérêt protestant et d’intérêt catholique, ne furent pas moins combinés sur des vues d’indépendance pour les états faibles, et de prépondérance pour les états forts. » — Et sous ce rapport, M. de Hauterive examine les effets de la création d’une puissance nouvelle dans l’empire germanique, puissance protestante, dont l’influence fit bientôt moins rechercher l’intervention de la France dans les démêlés entre les chefs de l’empire et ses membres, ce qui a rendu la France presque étrangère aux affaires intérieures de l’Allemagne, où, on doit le dire, elle ne se mêlait que pour apaiser les différends.

Le traité de Vienne, fait sous l’empire d’autres circonstances, avait un autre but, celui d’accorder des intérêts qui venaient de se former, et qui devaient se trouver en présence bien fréquemment dans la période pacifique qui s’ouvrait alors. Je parle du système constitutionnel et du système absolu. La France s’était déclarée jadis patronne du parti protestant en Allemagne ; il était bien naturel et bien plus légitime de se porter comme protectrice des états constitutionnels dans le Nord, et elle avait tout à gagner à faire entrer la Prusse au nombre de ces états. Ces efforts ont-ils été tentés ? Je l’ignore ; mais de fait, la Prusse s’est placée à la tête d’un parti bien puissant en Allemagne, le parti matériel et commercial. Son association de douanes l’a faite, comme on sait, le point central d’un cercle où sont entrés tous les partis mécontens ou non du déni de garanties politiques de ce gouvernement, vaste cercle où il croit pouvoir braver toutes les influences du dehors, qu’elles s’appuient sur les principes religieux ou sur les idées politiques. M. d’Hauterive peint le grand-électeur, ce prince qui fonda la grandeur de la Prusse, et la prépara à devenir réellement digne du nom de royaume, comme un homme qui affectait de ne songer qu’aux affaires financières et à des théories de tactique militaire assez futiles, tandis que sa maxime était de s’agrandir sans cesse et sans relâche aux dépens des peuples voisins. N’y a-t-il pas quelque chose de semblable dans la politique actuelle de la Prusse, qui semble ne s’occuper que de droits d’entrée et de sortie et d’améliora-