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à son examen, ne considérant les passions que comme les résultats d’une longue suite d’évènemens, et se plaçant à dessein sur le terrain d’une époque antérieure, afin, disait-il, de dégager la discussion de tout ce qui tient à la susceptibilité, aux ressentimens et à l’amour-propre. Il s’agissait d’éclairer la France et l’Europe prêtes à en venir aux mains, de leur faire connaître les avantages réels qui résulteraient de l’état de paix, et l’écrivain ne pouvait le mieux faire, disait-il encore, qu’en prouvant que dans les dernières et récentes guerres, vaincus ou vainqueurs avaient été également dupes de l’ignorance ou de l’oubli de leurs intérêts.

Il faut dire d’abord, avec M. d’Hauterive, qu’avant la révolution, et comme aujourd’hui peut-être, presque tous les états de l’Europe étaient dans une position contrainte et fausse à l’égard les uns des autres, oppressive et ruineuse à l’égard de leurs sujets. Les rapports politiques n’étaient pas moins indécis, pas moins discordans, pas moins précaires qu’ils ne le sont aujourd’hui.

M. d’Hauterive, qui proposait la paix à l’Europe, et lui en vantait les avantages, au nom de la France et de Bonaparte jeune et vainqueur, remonte à l’établissement du droit public des temps modernes, et le fixe avec justesse à l’époque du traité de Westphalie. Actuellement il faudrait reporter cette époque au traité de Vienne. Toutefois, il se hâte de remarquer, en même temps, que dès la conclusion de ce mémorable traité, les puissances européennes travaillèrent à l’enfreindre, tout en l’invoquant, et que l’autorité de ces lois fut souvent plus théorique qu’effective. Le traité de Vienne n’a pas réglé en réalité le droit public, comme a fait le traité de Westphalie ; ses décisions n’auront régné réellement que vingt-cinq ans, au lieu de cent cinquante-deux années que durèrent les actes de 1648, et le monde n’a pas eu, dans cette première et plus courte période, les grandes guerres qui eurent lieu pendant le siècle et demi qui précéda la révolution ; mais les infractions n’ont pas été moins fréquentes, et les cabinets se retrouvent, comme alors, aussi gênés, aussi agités par ceux des actes du traité de Vienne, auxquels ils obéissent, que par les violations de quelques autres de ces actes qu’ils ont commises.

Les violations subies par le traité de Westphalie avaient graduellement détruit, en Europe, le système du droit public, au moment de la révolution française ; les violations du traité de Vienne ont altéré la constitution donnée à l’Europe en 1815. Et maintenant que la France a tiré avantage, avec justice et mesure toutefois, de ces vio-