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REVUE. — CHRONIQUE.

restait plus aucun appui sur la terre. Ceci a été une faute grave du gouvernement français.

Heureusement, la maladresse de la diète germanique est venue à notre secours. Elle avait institué un tribunal arbitral pour prononcer sur les contestations élevées entre les princes et les peuples, et elle a repoussé la plainte du peuple hanovrien, parce qu’elle ne s’exhalait pas d’après les formes prescrites par cette constitution, qui n’existait plus. Le droit de nommer de tels arbitres n’était pas reconnu à la diète ; en les faisant servir cette seule fois à la défense des intérêts populaires, elle eût légitimé pour toujours sa compétence dans cette matière. Enfin, c’était peut-être la seule occasion où l’on pût donner raison à un peuple et tort à son prince sans risquer une révolution ; car la victoire de ce peuple n’aurait abouti qu’à conserver une constitution déjà éprouvée, et qui n’avait alarmé personne. Par cette concession adroitement faite et cette réprobation lancée contre un souverain qui n’était pas Allemand, la diète eût fait croire à sa justice et à la bonne foi des puissances par lesquelles les constitutions avaient été garanties à Vienne. Qui croira aujourd’hui à cette bonne foi ? Personne. Ainsi se dénouent de hautes questions politiques devant un tribunal de chambellans auxquels le roi Ernest a quelques cordons à distribuer.

Il faut que le gouvernement français, qui a trop négligé de si graves intérêts, se tienne pour bien averti que la même question doit se représenter encore. À Cassel, dans notre ancienne Westphalie, règne un prince électeur et co-régent, dont le mariage avec la comtesse de Schombourg a produit des enfans inhabiles à régner aux termes des lois de l’état. Ici donc, comme dans le Hanovre, un parent éloigné, un obscur général, viendra, en sa qualité d’agnat, réclamer ses droits à la couronne. Or, ici comme dans le Hanovre, cet agnat a déjà déclaré qu’il imiterait le roi Ernest, et déchirerait cette constitution à laquelle il n’a pas prêté serment. Voilà donc un peuple qui est instruit que sa loi fondamentale n’aura d’autre durée que celle de la vie de son prince, un peuple bien averti que sa constitution, garantie par les puissances, lui sera enlevée ; et si on lui conseille d’en appeler à la diète germanique, il sait d’avance, par l’exemple du Hanovre, quel cas fait la diète des prières des peuples et de leurs droits. Dans une semblable extrémité, les citoyens de la Hesse-Électorale ne feront, en tournant leurs regards vers la France, que s’en rapporter à l’un des arbitres naturels de leur sort. « Quoi ! diront-ils, parmi les puissances signataires des traités de Vienne, il n’en existera pas une seule qui protège notre indépendance, qu’elle a garantie, et nos droits, que sa foi a sanctifiés ! Ah ! malheur à la France, si elle n’accueillait pas nos plaintes, et si elle ne disait pas fièrement à l’Europe : Ce peuple sera et restera libre, d’abord parce que c’est justice, ensuite parce que moi, France, je l’ai signé. » Tel sera l’appel. Quelle sera notre réponse ?

Vous devez remarquer, monsieur, avec quel soin, dans ce tableau de l’influence que peut exercer la France sur l’Allemagne, je respecte la lettre des traités qui ont constitué dans ce pays le droit politique et le droit des gens.