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le 24 ; mais le bateau à vapeur qui devait la transporter étant arrivé le 21 au soir, elle a voulu s’embarquer dès le lendemain matin, tant elle avait hâte de sortir de Barcelone. Du reste, elle a pu tout disposer à son gré pour son voyage ; elle a pu se diriger d’abord sur Valence, où l’attendait O’Donnell à la tête de l’armée fidèle du centre ; elle a pu donner l’ordre au comte de Belascoain de se porter directement sur Madrid à la tête de sa division de la garde, et de l’y attendre. Trop vain pour reconnaître sa faute et solliciter son pardon, trop faible et trop combattu pour oser davantage, Espartero a laissé faire tous ces préparatifs, qui étaient évidemment dirigés contre lui ; il a accompagné la reine jusqu’à son bâtiment, et n’a nullement insisté pour partir avec elle, quoiqu’il en eût été question précédemment.

Voilà donc cet épisode de Barcelone terminé. La reine et Espartero sont séparés ; une nouvelle période commence. Déjà quelques faits peuvent indiquer le caractère de ceux qui suivront probablement. La reine est arrivée à Valence le 23 ; elle a été reçue avec acclamations par O’Donnell et son armée. Le télégraphe vient d’annoncer que la partie modérée de la population avait voulu donner une sérénade à leurs majestés, mais que les exaltés de Valence avaient menacé de s’y opposer par la force. Les ministres nommés par Espartero se sont rassemblés alors et ont décidé que la sérénade n’aurait pas lieu. Ils ont de plus demandé à la reine d’être autorisés à annoncer que la loi des ayuntamientos ne serait pas exécutée jusqu’à ce qu’il en soit déféré à de nouvelles cortès. La reine a refusé, comme ils devaient s’y attendre, et le ministère a donné sa démission pour la quatrième fois. Mais cette fois sera sans doute la dernière ; les ministres ont vu que leur situation ne serait pas long-temps tenable, et ils n’ont dû faire leur dernière proposition que pour avoir un prétexte de retraite, car cette proposition est contraire au programme qu’ils avaient eux-mêmes arrêté avec la reine lors de la dernière reconstitution du cabinet.

Le ministère formé par Espartero s’est donc dissous de lui-même après un mois entier de l’enfantement le plus laborieux, dès qu’il n’a plus été sous la protection de l’épée du généralissime. Ce dernier trait manquait à la ridicule équipée de Barcelone. C’est sans doute la présence d’O’Donnell qui a défait ce qu’avait fait le duc de la Victoire. Il est probable en effet que le jeune général de l’armée du centre, loyal comme il est, dit-on, aura vu avec peu de sympathie ces ministres se rassembler pour décider qu’une libre manifestation de l’amour des Valenciens pour leur souveraine n’aurait pas lieu,