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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

surtout en présence de la situation actuelle des finances espagnoles, qu’il a eu une attaque d’apoplexie, et qu’il a donné sa démission. C’était la troisième en quinze jours.

MM. Gonzalès et Sancho avaient été déjà remplacés, comme on avait pu, le premier par M. Silvela, qui était à la Corogne, le second par M. Cabello, qui était à Madrid ; M. Ferraz a été remplacé de même par M. Ségalès, directeur des rentes, qui était également à Madrid. Tous ces choix, faits sans le consentement des intéressés, n’avaient évidemment aucune valeur. On n’a pu encore savoir quelles sont les intentions de MM. Silvela et Ségalès ; quant à M. Cabello, il a accepté, mais ce n’a pas été pour long-temps. Il était écrit que ce ministère, enfant équivoque des premières irrésolutions d’Espartero, n’aurait rien de viable, et qu’il ne pourrait faire un pas sans tomber en dissolution.

C’est au milieu de ces avortemens que le prince de Saxe-Cobourg est arrivé à Barcelone. Les journaux ont parlé de la réception qui lui avait été faite, mais cette réception, si nous en croyons des renseignemens particuliers, n’a eu rien qui ait dû le flatter. Il y avait à Barcelone, quand il y est venu, trois autorités distinctes, la reine, la municipalité, l’état-major, toutes trois mécontentes. La reine se renfermait dans son palais ou allait pêcher en mer ; Espartero boudait et ne sortait de son lit que pour passer des revues ; la municipalité, désabusée de ses espérances, affectait de ne se mêler de rien. C’est à peine si le prince a trouvé de quoi se loger et s’il a pu parler à la reine. Il est parti, dit-on, fort peu satisfait de ce singulier pays. S’il a jamais pensé à un mariage, comme on l’a dit, il est peu probable qu’il y pense encore.

Ce marasme général de Barcelone n’a pu même être altéré par la nouvelle que la reine se préparait à quitter cette ville. Une sourde agitation s’est répandue d’abord dans le public ; les exaltés, frémissant à la pensée de laisser échapper cette femme qu’ils avaient déjà vaincue une fois, ont pensé un moment à soulever encore contre elle la clameur de la sédition ; mais tous ces complots sont venus mourir aux pieds de l’immobile Espartero. Le généralissime se sentait blessé de la froideur que lui montrait la reine, et il n’avait pas le courage de rompre avec elle plus ouvertement. Il lui tardait donc d’en finir avec cette situation pénible et embarrassée, et au lieu de craindre l’éloignement de la reine, il le voyait avec un plaisir secret.

La reine est donc partie le 22 août, un mois et quelques jours après l’évènement du 19 juillet. Elle avait annoncé son départ pour