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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

ministère avait été formé le 20, sous la dictée d’Espartero. Dans ce ministère se trouvaient deux hommes appartenant au parti exalté proprement dit, MM. Gonzalès et Sancho. Ce dernier surtout, connu par ses rapports avec les sociétés secrètes, aurait pu donner quelque suite à l’impulsion révolutionnaire imprimée par les scènes de Barcelone. Mais, averti à temps des hésitations d’Espartero, M. Sancho a refusé, et de ce refus a daté le mouvement rétrograde qui a mis en quelque sorte au néant le grand triomphe remporté à Barcelone par l’ayuntamiento et le généralissime, sur une femme sans défense, la reine, et sur un vieillard de quatre-vingts ans, M. Perez de Castro.

Plus entreprenant ou moins instruit que M. Sancho, M. Gonzalès n’a pas abandonné la partie aussi vite que son collègue. Il s’est rendu à Barcelone, et là, il a présenté son programme à la reine. Ce programme n’était autre que ce qu’avait demandé Espartero dans ses fameuses entrevues de Lerida et d’Esparraguerra : révocation de la sanction donnée à la loi sur les ayuntamientos, dissolution des cortès et destitution des employés nommés par le dernier ministère. La reine, qui n’avait pas cédé au comte-duc à la tête de son armée et des émeutiers de Barcelone, n’a eu garde de céder à un ministère déjà désorganisé par la retraite du plus important de ses membres ; elle a refusé, et M. Gonzalès, complètement abandonné par Espartero, a été forcé de donner, lui aussi, sa démission.

Nous n’en avons pas fini avec les démissions des ministres dans ces bizarres évènemens. Le ministère entier s’était retiré avec son président ; mais les ministres n’étaient pas au bas de l’escalier du palais, que la reine a fait rappeler don Valentin Ferraz, qui faisait partie du cabinet démissionnaire comme ministre de la guerre. Sa majesté lui a offert de garder son portefeuille en prenant la présidence, et don Valentin Ferraz a accepté, et avec lui les autres ministres, à l’exception de M. Gonzalès. Quant au programme, il a été mis de côté ; il a été convenu seulement que l’article de la loi sur les ayuntamientos, qui donne à la reine la nomination des alcades, serait déféré de nouveau aux cortès.

Ce qu’il y a eu de plus curieux dans ce revirement ministériel, c’est que le nouveau président, don Valentin Ferraz, est ayacucho comme Espartero, et comme tel ami intime du généralissime. Le comte-duc prêtait donc les mains à cette combinaison, dont la première condition était l’abandon de tout ce qu’il avait demandé jusqu’alors. La stupéfaction a été générale dans toute l’Espagne, quand cette incroyable nouvelle a été connue. Déjà la première composition du