avaient bâti un fort surmonté de signaux inventés par Archimède. Le fort a disparu, le port s’est ensablé par l’action des vagues, et l’entrée, large de cinq cents toises, défendue autrefois par une ligne de galères enchaînées, est interdite aux vaisseaux ennemis par quelques travaux de peu d’importance. Le petit port, jadis entouré de quais de marbre, reçoit maintenant quelques bricks de commerce, des polacres, des spéronares qui reviennent du cabotage, et de légères balancelles qui exportent les fruits, le vin et les grains. Ce petit port, les sales et étroites rues qui traversent l’île d’Ortygie, les remparts déserts qui l’entourent, et le long desquels on voit de misérables filles publiques étendues au soleil en jouant de la guitare à la porte de leurs masures, c’est là tout Syracuse aujourd’hui. La grande Syracuse qui s’étendait le long de l’Anape avec ses deux ports, ses temples de Jupiter, de la Fortune, de la Concorde, de Diane et de Minerve, ses fontaines grandes comme des mers, avec ses prytanées, ses portiques, ses théâtres, est rentrée modestement dans la pauvre petite île d’Ortygie, d’où elle était sortie. Archias, s’il revenait au monde après deux mille cinq cents ans, la trouverait à peu près telle qu’il l’avait fondée, vivant philosophiquement dans ses limites exiguës et dans son obscurité, comme si elle n’avait rien perdu, et se souvenant à peine qu’elle a figuré parmi les cités reines du monde. Je vais un peu trop loin toutefois en disant que Syracuse a oublié sa grandeur. On y trouve quelques hommes fort estimables sans doute, mais qui prennent soin de vous entretenir de la gloire passée de leur ville avec une persévérance dont quelques voyageurs, plus ingrats que moi, se sont lassés.
Dès qu’on touche le sol de Syracuse, on est en pleine histoire. En venant du côté de Catane et du fort d’Augusta, le long de la mer, on trouve une petite presqu’île et un promontoire qui portent le nom de Magnisi, et que le savant Cluver nomme, si je ne me trompe, Tapsus, dans sa carte de la Sicile antique. C’est là que débarquèrent les Athéniens lorsqu’ils méditèrent une attaque contre Syracuse, par le faubourg d’Épipoli. Ce lieu, à égale distance de Syracuse et d’Augusta, paraît très favorable à l’établissement d’un grand lazareth pour les retours d’Orient, station que réclament les besoins du commerce des Deux-Siciles. Je savais que plusieurs voyageurs distingués avaient déjà appelé dans ce but l’attention du gouvernement napolitain sur cette petite anse et le promontoire qui la termine, et à mon retour à Naples, un jour de baise-mains, me trouvant en présence d’un auguste personnage, je pris la liberté de vanter les avantages que procureraient