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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

sement dans l’œuvre de M. de’ Virgiliis ; c’est une de ces conceptions qui n’ont d’autre mérite que leur singularité, que le goût désavoue, que réprouve le sens commun.

Au-dessous de ces auteurs, qui, du moins, ont le mérite de l’originalité, se groupe l’armée des arrangeurs, qui traduisent nos mélodrames et nos vaudevilles, faisant souvent de deux pièces une seule, ou d’une seule pièce deux libretti, selon que l’étoffe prête plus ou moins. Ce sont nos théâtres du boulevart qu’ils mettent de préférence à contribution, et c’est aux pièces les plus insignifiantes, et par cela même plus faciles à mettre à portée de la foule, qu’ils s’attaquent d’ordinaire. Les tableaux de mœurs locales, fins de ton et d’un dessin délicat et naïf, seraient, pour l’ouvrier, trop mal aisés à reproduire, et pour le public trop difficiles à comprendre. Quelques-uns de ces faiseurs essaient bien de temps à autre de puiser dans leur propre fonds, et de faire du vaudeville et du mélodrame indigènes ; mais le succès a rarement couronné leurs efforts, et la plupart, trouvant que les profits ne couvraient pas les frais, ont mieux aimé suivre le troupeau des imitateurs. Felice Romani à Venise, Francesco Bon à Turin, ont seuls persisté. Felice Romani compose de grands mélodrames à la Pixéricourt, auxquels il donne quelques beaux titres, tels que le Solitaire des Asturies. Francesco Bon vise plus haut ; il fait du mélodrame passionné, et s’inspire du Joueur ou de la Tour de Nesle, ces mélodrames modèles. Son drame du Vagabond, représenté à Turin l’hiver dernier, a obtenu un de ces succès de vogue qui s’attachent passagèrement à ces sortes d’ouvrages.

Le vagabond a joui d’une honorable aisance, mais ses vices l’ont réduit à la plus extrême misère ; sa femme est épuisée par la maladie, et comme Ugolin dans la Tour de la Faim, il est entouré d’enfans qui lui crient : Père, j’ai faim ! Quoique vicieux, cet homme est trop fier pour mendier. Il aime mieux s’en prendre à Dieu et aux hommes de son infortune, et repousse par des imprécations et des blasphèmes les consolations de sa femme. Cette femme est l’image de la vertu, elle aime son mari, tout vicieux qu’il est, et conserve sur lui un reste d’empire. Elle sait que le malheureux hésite entre le crime et le suicide ; elle s’efforce de réveiller son courage, et de relever son ame abattue. Deux inconnus obsèdent le vagabond ; ils lui offrent à la fois le moyen de s’enrichir et l’occasion de se venger d’un ennemi puissant. Qu’il enlève la fille de cet ennemi, qu’il la leur livre, et une somme considérable sera sa récompense. L’honneur l’eût peut-être emporté sur la cupidité, l’honneur est trop faible contre le