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L’ANGLETERRE ET LE MINISTÈRE WHIG.

époque par deux des hommes les plus considérables et les plus vénérés de l’Irlande, le duc de Lenster et lord Charlemont, ainsi que les résolutions qui, à la suite de cette lettre, furent adoptées à Dublin par le grand meeting libéral. Ce ne sont point là de vaines déclamations catholiques ; ce sont des actes proposés, défendus, votés par l’élite des protestans du pays. Qu’y lit-on cependant ?

« Que les efforts du parti tory en Angleterre, pour raviver de vieux préjugés et pour soulever l’opinion publique contre les ministres, parce qu’ils ont appelé à des fonctions éminentes des catholiques aussi bien que des protestans, sont à la fois si injustes, si malfaisans et si menaçans pour l’union de l’Irlande et de la Grande-Bretagne, qu’il importe de les déjouer par une grande et publique manifestation. »

« Que la grande masse du peuple est protestante en Angleterre et catholique en Irlande ; que par conséquent, tenter de soulever les protestans contre les catholiques, c’est, dans le fait, travailler à soulever les catholiques contre les protestans, et l’Irlande contre la Grande-Bretagne. »

« Que l’Irlande ne se soumettra jamais à la domination exclusive et intolérante d’aucun parti ou d’aucune secte, et que tout ami de son pays doit s’opposer par tous les moyens à la formation et à la durée de toute administration qui, ouvertement ou secrètement, chercherait son appui dans des passions bigotes et dans de déplorables animosités. »

« Enfin que l’état actuel de l’Irlande est une démonstration triomphante du bien produit par un gouvernement fondé sur des principes diamétralement opposés à ceux que professent les tories. »

Et c’est quand les hommes les plus modérés et les plus éclairés de l’Irlande font entendre un tel langage ; c’est quand d’un autre côté l’infatigable et puissant O’Connell tient la tempête dans sa main et menace de la déchaîner le jour où, pour le malheur de son pays, une administration tory renaîtrait ; c’est quand tant de passions contenues, tant de ressentimens comprimés, tant de souffrances assoupies n’attendent qu’un mot, qu’un signe pour faire explosion et pour rallumer une guerre terrible de la chaussée des Géans au cap Clear, c’est alors que non sir Robert Peel seulement, mais lord Stanley et lord Lyndhurst remonteraient au pouvoir ; lord Stanley, l’auteur du dernier bill ; lord Lyndhurst, l’Anglais qui le premier, du haut de son orgueil, a jeté le défi à l’Irlande et proclamé les Irlandais « une race étrangère par le sang, par le langage, par la religion ! » Cela arrivera, je le crois ; mais je crois, en même temps, que le lendemain la séparation