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en retour elles excitaient dans le parti tory exalté un vif enthousiasme et d’immenses acclamations. Quant aux tories modérés, ils se taisaient, n’approuvant ni ne blâmant, et se réservant sans doute de régler leur opinion selon les circonstances. Ce qui prouve pourtant qu’une portion notable du parti tory modéré s’associait sinon à la violence, du moins aux sentimens d’où ce langage émanait, c’est que la société de la réforme protestante, présidée par lord Wharncliffe, homme grave et considéré, ordonnait dans le même moment un jeûne universel, en expiation de la nomination de MM. Sheil et Wyse.

Tel était, quand s’ouvrit la dernière session, l’état réel ou factice des esprits, et tout le monde comprend combien devenait embarrassante la situation des chefs du parti tory modéré dans la chambre des communes, sir Robert Peel, lord Stanley et sir James Graham. Ces hommes d’état éminens s’associeraient-ils, au moins par leur silence, à des extravagances qu’au fond de l’ame ils ne peuvent approuver ? ou bien risqueraient-ils, en les désavouant, de s’aliéner la faction la plus ardente de leur armée ? Telle est la question que tout le monde s’adressait. Il faut rendre à sir Robert Peel, à lord Stanley, à sir James Graham, cette justice qu’ils n’hésitèrent pas, et que le premier surtout, par quelques paroles dignes et fermes, sut promptement séparer sa cause de celle de M. Bradshaw. Ils firent plus, et, dès le début de la session, ils prouvèrent qu’ils n’entendaient, dans aucun cas, sacrifier leurs principes et les droits du parlement à l’esprit de parti. Un conflit singulier s’était élevé entre la cour du banc du roi, qui prétendait punir comme diffamateur l’imprimeur du parlement au sujet d’une publication officiellement autorisée, et la chambre des communes qui, pour défendre ses priviléges, appelait successivement à la barre et emprisonnait non les juges, mais les shériffs exécuteurs de leurs ordres d’une part, et de l’autre les parties plaignantes et leurs conseils judiciaires. Dans ce conflit, le parti tory ne vit qu’un moyen d’embarrasser le ministère et de reconquérir quelque popularité ; mais il fut abandonné par sir Robert Peel, lord Stanley et sir James Graham, qui, malgré les reproches de leurs journaux, parlèrent et votèrent constamment avec le cabinet. Aussi, lorsque tout fut terminé, reçurent-ils les remerciemens publics de lord John Russell, qui avoua sincèrement que sans leur concours le privilége parlementaire eût succombé.

Grace à la sage conduite de ses trois chefs, un mois après l’ouverture de la session, l’effervescence du parti tory s’était calmée. Privé du secours que cette effervescence lui apportait, le ministère se trouva